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30/05/2019

Vision de la poésie, par Armand Olivennes

Armand Olivennes, qui fut l'un des auteurs de Diérèse, et son approche du sujet :

     Tout est poétique dans l'univers, souligne Platon dans Le Banquet, mais les poètes sont ceux qui se sont plus électivement voués à l'expression verbale de cette poésie universelle, notamment grâce à la prosodie. La poésie n'est donc jamais formelle. Des sensibilités au mythe cosmique, très différentes les unes des autres, s'y affirment et s'y affrontent avec plus ou moins de réalité personnelle, de talent et de plausibilité.
     Se séparer des autres, et les rejoindre cependant, leur faire admettre une communauté, une sorte d'ensemble idéal, où tout ce qui ne tombe pas sous le sens, tout ce qui est obscurément hermétique, serait uni par la cryptologie de l'esprit, et par les mots, cette ambition a sa traduction dans les formes, la recherche formelle et dans le contenu thématique.
    Cette assignation était encore claire quand une forme commune définie, une prosodie, sous-entendait, à la fois, l'égocentricité et le sentiment de communauté. Mesures, rythmes et rimes attestaient l'individu, la personne, par rapport au discours social, mais aussi l'appartenance de cet individu à une culture commune, à un mode de civilité.
     Au XIXème siècle, ce principe de communication n'est plus devenu qu'une épreuve ; l'extériorité du Moi a subi trop de tortures, de trop violentes dénégations, pour s'y résigner et l'ensemble social a connu, malgré tous ses discours, plus de rupture que de communauté.
     Deux courants de l'art poétique, souvent opposés, se sont alors constitués. Dans le premier cas, le Moi restait à deviner, à se définir, à se replier sur lui ou à se dilater à l'infini : poésie presque ou tout à fait autistique, avec ou sans des étais prosodiques, et les accents les plus irréfutables de la sincérité, de la détresse et du cri.
     Le deuxième courant a maintenu sa (relative) cohérence, dans l'appartenance à une pluralité, en privilégiant ce qui fonde le lien communautaire, la foi, la lutte pour le progrès humain, la jouissance immédiate des biens terrestres, etc.


Armand Olivennes

07:09 Publié dans Diérèse | Lien permanent | Commentaires (0)

29/05/2019

Souvenirs d'un directeur de Revue : Yves Peyré pour "L'Ire des vents"

Raphaël Sorin nous parle aujourd'hui d'une belle aventure, celle d'Yves Peyré qui dirigea, de 1978 à 1987 la revue L'Ire des vents, elle connut 16 numéros, la première livraison eut lieu en 1978, la deuxième en 1981, date à partir de laquelle elle devint annuelle. Je me rappelle que pour le titre de "Diérèse", ce fut Alain Jouffroy qui me complimenta pour ce choix, dans un courrier que je vais essayer de retrouver pour vous ; il avait parfaitement saisi ce rappel à la racine grecque du vocable et qu'en fait il s'agissait de se dissocier de la pensée unique, en poésie comme ailleurs au demeurant. Car il n'est de pire danger que les idées convenues, comme le rejet systématique du lyrisme, de mise aujourd'hui dans l'Hexagone ; ou d'embrayer sur la déconstruction systématique du vers, quitte à embrasser d'une lèvre ou des deux le néant... Mais arrêtons-nous là, écoutons plutôt ce qu'a pu dire Yves Peyré :

Le nom de la revue, une belle métaphore, Peyré l'a trouvé dans un poème de Maurice Scève. L'ire, c'est à la fois la colère, ou la fureur, la lyre des poètes et le verbe lire, un mot qui s'ouvre dans toutes les directions. Au sommaire des numéros de L'Ire des vents - qui a consacré deux numéros à Michel Leiris et à du Bouchet - on trouvait des curiosités littéraires, Adrian de Montluc, le seul texte écrit par Francis Bacon, des traductions de Paul Celan, Erich Arendt ou Vladimir Holan...

"Je cherche pour chaque numéro, à créer des correspondances musicales. Je compose les sommaires selon la force et le rythme des textes. Je crée aussi des effets de surprise. Une revue, selon moi, ne peut pas se diriger à plusieurs mains. Un autre ferait une autre revue. Je ne crois pas aux groupes littéraires et me sens proche, par exemple, de ceux qui ne purent jamais s'intégrer au surréalisme : Artaud, Ponge, Bataille. Les démarches singulières, comme celle de Bettencourt, m'impressionnent beaucoup."

"A seize ans, raconte Yves Peyré, je suis venu quatre jours à Paris, pour voir des libraires. J'ai vécu à Châteauroux, puis à Limoges... Très jeune, j'étais fasciné par les revues Documents, Mesures, Le Grand Jeu. Et mes goûts étaient fixés, presque tous. Reverdy, Michaux, Leiris, Bataille puis du Bouchet et des Forêts m'apparaissaient comme des gens extraordinaires. J'avais du mal à imaginer qu'un jour je deviendrais l'ami de certains d'entre eux.

Après une licence et une maîtrise de philosophie, à Clermont-Ferrand, j'ai choisi de passer le concours des conservateurs de bibliothèques. On m'a nommé à Lyon, où je suis resté jusqu'en 1980. Puis je me suis occupé de la revue de la Bibliothèque nationale. Dès le lycée, comme on découvre une vocation, j'ai eu envie de faire "ma" revue. Plus tard, j'ai écrit à du Bouchet, parce que j'établissais la bibliographie de son œuvre. Il m'a répondu par retour de courrier. Sa lettre, si amicale, a tout déclenché.

Au fil du temps, une génération nouvelle s'est rapprochée de L'Ire des vents : Gérard Macé, Bernard Collin, Charles Juliet, Silvia Baron-Supervielle, Jean-Michel Reynard... Ils évitent les coteries. Je suis surpris par la qualité de ce que m'ont envoyé des inconnus. Il y a, en France, un mouvement souterrain qui échappe aux éditeurs. Dès le premier numéro, j'ai tenu à publier mes propres textes, en m'interdisant de collaborer ailleurs. Cela fait partie de ma "morale" et correspond à mon engagement de directeur..."

Ses options, Peyré les a développées en préfaçant les poèmes de Silvia Baron-Supervielle, la Distance du sable : "Chaque moment est une épiphanie, comme un élan d'épiphanie traversant tant monde que moi. Joie et détresse d'une trop fugitive éclosion : le peu de poème." Peyré affirme encore ses choix, cédant à la "fascination d'une étrangeté violente" avec En appel de visages, qui s'inspire de dessins de Henri Michaux, dans un livre qui fut publié en 1983 aux éditions Verdier.

Raphaël Sorin

08:18 Publié dans Revue | Lien permanent | Commentaires (0)

27/05/2019

PRODICTIONS ou encore " il crolla della Baliverna"

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Quand eut lieu la bascule, l’étincelle qui a mis le feu aux poudres de notre bien malheureuse cinquième république ? Je crois bien qu’il s’agissait d’une histoire de… carburant ! De grâce, ne pensez pas que je plaisante, le sujet est très sérieux (j’imagine Jude Stéfan parlant de ce phénomène, citant Buzzati, et son admirable nouvelle : « il crolla della Baliverna », pour jouer sur le sens des mots comme il sait bien le faire).
Se soigner par le rire ?, pourquoi pas dans le fond. Et de fil en aiguille, de réseaux sociaux en réseaux tout court, de chef de petite meute en chef de grande meute, d’aucuns voudraient réduire le commun de nos jours dans l’Hexagone en une voie royale, autoritaire par là-même. Mais, passé tous les apprêts sociaux ou sociétaux, que privilégier, la raison ou l’agir ?…
Je relisais, pour mieux m’imprégner de ce climat « particulier » où les courges passeraient pour devins, et le rapporter à mon modeste travail, wikipédia qui m’apprenait que Thierry Metz est mort à Cadillac (lieu où il a été soigné) alors qu’il a remis son âme à Bordeaux (la-Belle) et j’en sais le nom de la rue, que vous retrouverez un jour dans mon Journal ; l’« oubli » des deux derniers livres publiés par Jean Rousselot aux Deux-Siciles mais répertoriés Dieu merci par la BNF et - cerise sur le gateau - le piratage de son portrait ; sans oublier au passage l'ouvrage qu'aurait écrit à ses heures perdues le surréaliste Jacques Baron, enterré au Père-Lachaise, sur les Mayas (!), alors qu’il n’en est rien. Bref.

... Au vrai, chaque mot prononcé déchire une peur (primitive). Nous sommes passés d’une époque de l’écrit à celle de la parole, qui fuse à tout-va et défigure la réalité pour se l'accaparer, sans autre forme de procès. Le plus difficile sera de faire entendre désormais par les signes appropriés et rendus à leur valeur, perméables à un souci de vérité (la parole, l’image et ses dérivés) ce qui n’a pas de sens. David contre Goliath. Amitiés partagées, Daniel Martinez