241158

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

01/05/2019

Pierre Oster : deux pages corrigées de sa main pour Diérèse 48/49

La revue Diérèse et les éditions Les Deux-Siciles (allusion historique oblige) ne font qu'un, même si la revue, qui comptera début juin 76 numéros (soit 15 000 pages à son actif) a pris le pas sur les éditions, qui n'en comptent qu'une quarantaine (je suis incapable de vous donner le nombre exact des livres et recueils publiés et d'ailleurs, je n'y tiens pas vraiment, n'étant pas comptable, loin s'en faut). Sachez déjà que le premier titre de mes éditions voit les débuts de Christophe Manon avec "Les Treize empereurs", préfacé et illustré par Pacôme Yerma. Ma devise ? "Je laisse le fiel et vais vers les doux fruits" (Lascio lo fele e vo per dolci pomi). Le tout réalisé sans subventions, en somme les mains libres (désolé je ne suis pas banquier non plus).
Pour votre plaisir, voici pour aujourd'hui l'un des textes les plus marquants à mon sens parus dans la revue, d'autant plus émouvant à la relecture qu'il y eut entre nous quatre jeux d'épreuves, l'auteur, Pierre Oster, ajoutant à mesure à son dire. Ce concept de "parfait sensible" mériterait à lui seul un long développement, tant l'idée de perfection nous est consubstantiellement étrangère. Une sensibilité qui regarde en propre le poète, sur les chemins du monde. DM

 

 

OSTER 1.jpg

OSTER 2.jpg

Miettes non-philosophiques

(5/2/10)


   Ne te confine pas dans l'illusion d'une maîtrise indécise. Déjà l'échec est avéré pour qui regarde un voile de poussière.

   Il est des plus injuste de m'imputer à crime mon indifférence à ce qui s'évanouit. Des plus injuste et des plus juste aussi bien.

   Un poète inconnu complètera l'ultime série des rimes ; et ce sera - en dehors de nous - le plérôme vers quoi l'esprit nous guide en exaltant l'idée d'un parfait sensible.

   De l'abrupt, ou de l'irrégulier, ou de l'infime. Invitation à une manière de constant retour à l'indéchiffrable.

   Je m'identifie, je m'intègre au principe courant de phrase en phrase ; au feu d'une métaphore initiale et vraie ; à quelque monosémie inaccomplie...

   L'abîme se trouve à portée du voyageur, mais non pas l'empire que dessine la configuration d'une seule feuille.

   Du vieil écheveau je tire un fil. Les choses cependant demeurent telles. Le drame dans sa simplicité perdurera.

 

   Ce qui brûle avec la joie ne la détermine pas. Elle est une puissance de liberté inspirée, de renouveau sans frein dans l'assujettissement.

   Aller d'un pôle à l'autre de la planète morale... Du langage au silence (en ce qu'il a de plénier). Du silence au langage (en son ampleur).

   Des cris, des plaintes, des mots longtemps murmurés nous incorporent par hasard à la terre. Nous les écoutons, nous leur échappons.

   Nos compagnonnages présentent un caractère d'improvisation parce que nous sommes à nous-même des limites obscures.

   Supplique reçue jusque dans les aspirations du vent. Quotidienne et changeante et subtile. A qui n'est-il loisible d'en aimer la loi ?

   Faire partie, avoir partie liée. Le céder de front à la multitude. N'ignorer rien de ce qui passe notre petitesse.

   L'âme comme réalisation ultime. Comme manifestation d'une ductilité souveraine. Comme amorce d'une fusion d'essence orphique, élément de base d'une philosophie du contact. 

 

Pierre Oster

30/04/2019

Expo Denis De Mot du 11 mai au 1er juin 2019

blog xiv.jpg

GALERIE DIDIER DEVILLEZ
53 rue Emmanuel Van Driessche
1050 Bruxelles (Belgique)

22:40 Publié dans Arts | Lien permanent | Commentaires (0)

A la manière d'un conte : les éditions Marchant Ducel (1982-1995)

Il s'agit de l'histoire d'une petite maison d'édition - qui a donné lieu à un conte de mon cru d'ailleurs, intitulé : "Rien de précieux ne s'efface", vous pouvez vous y reporter dans la catégorie du blog correspondante.

Cette maison s'appelait "Marchant Ducel", soit Marcel Duchamp dans le désordre. Vous l'aviez deviné, je sais. La directrice de publication, une certaine Lucie Ducel, aquarelliste de talent, habitait alors 79 rue du Chemin vert. Elle était slave et son compagnon l'avait quittée. Résultat : il lui fallait vendre ce qu'elle avait édité à grands frais pour se payer seule son voyage de retour au pays, en 1995. Je devais - le hasard fait parfois bien les choses - la rencontrer dans ses appartements ; âgée, elle avait bien du mal à se déplacer et le parquet, un peu trop ciré, laissait craindre le pire. Elle s'était endettée, en fait, avec des éditions de luxe, pour des poètes de son choix. Mais desquels au juste parlez-vous, je vous prie ?

Elle me narra ce qui fut son aventure, sans ambages. Tout cela avait commencé par la publication, en Inde, du Convalescent, de René Char, imprimé en mai 1982 par Neesa Press, à Katmandu, un recueil enté d'une peinture tantrique. Le tirage était alors de 25 exemplaires sur Népal. Un joyau, naturellement ! Vous me connaissez mieux à présent, je ne dis pas cela à la légère... "Mais quel homme charmant, prévenant, ce René Char !, vous ne pouvez l'imaginer. Nous avons partagé un moment de vie, inoubliable."
Dans la foulée, il y eut le Dernier Chant de Milarepa, traduit du tibétain par Lopsang Lama, à 40 exemplaires cette fois-ci, toujours auprès du même imprimeur.

Et tant d'autres : Brug'pa Kun'legs, Lokenath Battacharya (Des aveugles très distingués), Roger Munier (Comment dire ?). En août 1983, le couple décida de rentrer en France. Yves Bonnefoy, qui habitait alors le onzième arrondissement publia chez elle, Lucie Ducel, deux livres : Par où la terre finit, à 45 exemplaires sur papier de jute du Rajasthan, avec une miniature indienne, imprimé en juillet 1985 par Franck Meyer, à Paris.
Vous l'avez compris : dans leurs bagages, le couple Ducel avait ramené des miniatures indiennes, pour la bonne cause. Et grand bien leur en a pris, puisque Yves Bonnefoy récidiva avec Là où creuse le vent, tiré à 49 exemplaires sur Larroque (en juin 1986), recueil rehaussé de deux peintures tantriques. Le même mois de la même année précisément, Philippe Jaccottet se fendit d'un bel ouvrage illustré par une aquarelle de Anne-Marie Jaccottet : Le Cerisier (49 exemplaires, imprimés par Gilles Couttet, Le Pontet). Lucie adorait les aquarelles, il est vrai...

Mais, ce qui m'importait le plus était bien ces deux recueils de Henri Michaux dont vous savez tout le bien que je pense, mis en vente à la défunte librairie Nicaise sur le boulevard Saint-Germain, remplacée par je ne sais trop quoi qui s'accorde à notre temps d'inculture (assumée ?)...
Ce fut d'abord, en juin 1983 - Michaux n'avait plus qu'un an à vivre -,  Yantra, 15 pages en accordéon, tirés en tout à 36 exemplaires sur Népal, tous rehaussés d'un shri yantra traditionnel (je ne suis pas sûr que la BNF en dispose d'un seul, mais peu importait à Henri Michaux, libertaire d'esprit, qui se moquait souverainement des officialités !, un poète authentique largement trahi post-mortem). Quelques jours avant de passer de vie à trépas, il avait téléphoné à Lucie pour lui dire qu'il l'avait rêvée dans les tons roses, de la couleur précisément du shri yantra de son opus.

Il y eut aussi, du même auteur aujourd'hui "pléiadisé" (il s'y était toujours opposé de son vivant) Fille de la montagne, publié en mai 1984 à 60 exemplaires par Gilles Couttet toujours, sur Arches. Je vous en ai donné ma lecture, reportez-vous à la catégorie "Henri Michaux".

Voilà... Ce fut un grand regret que de quitter Lucie Ducel, repartie dans ses contrées peu de temps après que nous nous soyons rencontrés. Elle avait vécu une aventure formidable, avait côtoyé parmi les plus grands poètes du XXe, et, las, elle n'est plus de ce monde à présent. Daniel Martinez

10:13 Publié dans Editions | Lien permanent | Commentaires (0)