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27/03/2019

Pierre Lepère in "L'imprévu de tout désir"

De Pierre Lepère, relire aujourd'hui ce qu'il écrivit in L'imprévu de tout désir, paru le 20 décembre 1990 chez Gallimard. Le poème qui suit est extrait de "Librations" : du latin libro-are, "mettre en équilibre, se balancer"). Terme astronomique qui renvoie à une lente oscillation, réelle ou apparente, d'un satellite tel que vu à partir du corps céleste autour duquel il orbite.
Surréaliste d'inspiration sans pour autant se fondre dans ce creuset, la part imaginaire ici se défait en scintillations sur le disque qu'anime l'esprit, dans ces états intermédiaires que l'on pourrait qualifier (à défaut) de rêves vigiles : du grand art, manifestement

Je te parle à mi-voix chaque soir
Avant de m'endormir sans le savoir
Le cercle des heures se referme une rose
Dans le chandelier d'ombre s'irise
Et meurt en chutes blanches le silence
Aux rides familières me guette près du mur
Que les prieurs de lierre lézardent à l'aveuglette
Je te dessine au fusain chaque nuit
Sur les rames du rêve je fus ton ami
Ton frère en solitude au sang mêlé je m'en
Souviens je te rassemble lentement
Parmi les ruines océanes de nos jeunesses
Jumelles au long des grèves où le vent crie
Goéland sourd comme si tu partais
Encore une fois déjà ton prénom de légende
Et je te touche dormant sans le savoir
Au cœur d'une phrase de feu d'une rose
Qui dure l'espace d'un jeu d'enfant
Nos réveils séparés délivrent la même aube


Pierre Lepère

08:03 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

23/03/2019

Jardin secret I

Le bouillonnement des violettes blanches
a succédé aux étoiles
jusques au creux des souches
où divaguent les fumées du matin
visage sous le masque
le pays de nos amours reculait
sous la fine cire de la conscience
les fibres d'un corps second
laissaient paraître des cendres stellaires
mouillées par la lumière

plus légères que l'eau


"Voici le Sud me disait elle
et le calme gagné
pour s'y perdre de concert
sous la pression des vagues
ces bris de coques au rivage
écloses en grappes de bulles
en pelotes marines herbes de Posidonie
les sables les distribuent
seraient-elles mousses de soleil"


Avec les flux et reflux l'illusion multipliée
nous sommes de ce monde
mais sans autres attaches
que le bruit soyeux des mots
qui le réinventent chaque jour
inquiets du principe secret qui les anime
toutes frontières brouillées


Daniel Martinez

19/03/2019

Le Guépard saharien

        Dans l'étincellement du silence
        et le dénuement des nuages

        il guette entre les dunes
        au cœur du Grand Sablier
        non la clé du ciel
        mais ce que la dernière nuit
        aura laissé d'apparent
        en convoyant
        les froidures de la lune
        et les herpes du temps qui passe
        dont Guépard il perçoit
        les lignes pétrifiées
        sur le verre peint d'un massif
        plus roux que son pelage
        où frétille la courte crinière
        qui lui couvre la nuque, l'épaule
        une robe rêche tachée de gris.


        Fixant sa proie, sans crier gare
        l'arc déployé d'un corps svelte
        frappera d'un coup
        la gazelle Dorcas
        multipliant par sept
        les dernières entailles

        que le soleil fait
        dans le paysage
        la dense matière de l'air
        et les rubans d'ombre
        qu'il a traversés.


        Une vie si brève, arrachée là
        comme écume passagère
        au regard des échos lointains
        qui lui barrent le front
        lorsqu'il se redresse et voit
        les ombres bleues du royaume
        dévier jusques aux piqûres rouge sang
        sur les grains de sable
        portés par les entrailles de la terre

 Daniel Martinez

08:13 Publié dans Bestiaire | Lien permanent | Commentaires (0)