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23/08/2015

Lettres à Gaëlle XXII

XXII

 

Un grillon chante à l'entrée de la demeure
dans la savante dissymétrie des plantes des arbustes
et des rosiers grimpants la robe de Gaëlle se confond
avec ces fleurs que je vois libres d'exister
avec la lumière touchant d'écume l'après-midi
où bouge une branche puis l'autre un rythme venu de loin


Quelqu'un monte l'escalier une porte s'ouvre se ferme
comme l'éventail au dessin japonais
où tu te vois paraître mais à cet instant précis
quel est donc le sens des signes
les marches de marbre bougent doucement
une chevelure un bras une ombre mobile


et des mains d'or qui effleurent le crépi du mur
remontent la rampe estompent la rumeur du monde
le silence comme un grand linge mouillé sur l'étendoir
à deux pas de ta couche où dorment paisibles
sous la paupière les gouttes noires des iris
tandis qu'au loin s'en vont les jours


la mémoire s'entr'ouvre bruisse le temps
telle phrase muette arrêtée sur les lèvres
sur l'orangé des parois

où s'insinue le dieu silencieux
éclaboussant la page de gouttes claires


d'un entracte propice aux évasions de toutes sortes
l'âme perdue entend toujours ce qu'on lui chante
elle respire l'imperceptible odeur de feu sur les carreaux
de la cuisine où mûrissent des pêches brodées de sang
des images errantes son corps sa présence

                                                  Daniel Martinez

01:10 Publié dans Eden | Lien permanent | Commentaires (0)

22/08/2015

La Girafe, fabuleuse anomalie de l'évolution (première partie)

On raconte beaucoup de choses sur la girafe. On dit, par exemple, qu'elle met son petit au monde sans se coucher, et que celui-ci, après quinze mois de gestation, tombe de deux mètres de haut, parfois au prix de sa vie. On dit aussi que sa langue noire, longue de 50 centimètres, se creuse en gouttière pour se glisser entre les épines d'acacia et accéder aux jeunes pousses. Et encore qu'elle vit en troupeaux lâches de dix à soixante-dix têtes, dominés par un ou plusieurs grands mâles, mais conduits par une femelle...

Tout cela est vrai. Il est faux, en revanche, que la girafe soit muette : elle peut émettre divers sons, allant du ronflement (en cas de danger) au grognement, en passant - cas extrême et associé au rut - par le beuglement. Mais sa morphologie semble si bizarre, et son écologie tellement exotique, qu'on peut finalement s'étonner que les idées reçues à son sujet ne soient pas plus erronées.

Car la girafe a beau être connue de tous, et avoir été choisie comme animal fétiche par le Muséum national d'histoire naturelle (qui n'exhibe pas moins de six adultes et deux girafons empaillés dans sa galerie de l'évolution) : de tous les mammifères populaires, elle reste le plus énigmatique. Comme à l'automne 1827, en ce temps où la foule se pressait dans le port de Marseille pour voir débarquer, du navire où dépassait sa tête, le spécimen réclamé par Charles X pour sa collection royale.

Sa taille, à elle seule, paraît une invraisemblance de la nature - de 4 à 5,50 mètres en moyenne, pour un poids d'environ une tonne. Pour la dessiner, il suffit de tracer, du cou à la queue, une pente inclinée vers le bas : ses pattes antérieures sont plus longues que les postérieures, si longues, même, qu'elle préfère souvent dormir debout plutôt que de se donner la peine de les plier. A l'autre extrémité, la girafe est la joliesse même. Tête fine, doux yeux bordés de longs cils, petites cornes (deux dès la naissance, deux ou trois de plus chez certains mâles) doublées de velours... L'ensemble est si délicat que le regard en oublierait presque la distance franchie pour en arriver là.

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                                                                                           Catherine Vincent

00:43 Publié dans Bestiaire | Lien permanent | Commentaires (0)

La Girafe, l'énigme de son cou, le réseau admirable (deuxième partie)

Comment, cependant, négliger ce fabuleux appendice, nonchalamment balancé tandis qu'elle marche l'amble ? : un cou long de deux mètres, et pourtant doté, comme celui de tous les mammifères de seulement sept vertèbres cervicales ! Les experts les plus compétents y ont perdu leur latin. A commencer par Jean-Baptiste Lamarck et Charles Darwin, dont l'intérêt pour cette anomalie morphologique, qui permet au quadrupède de brouter à son aise les feuilles des arbres, est resté célèbre. A moins qu'il ne s'agisse précisément, cette fois, d'une idée reçue.

Qui n'a entendu citer, en effet, le cou de la girafe pour illustrer les conceptions divergentes qu'avaient, au début du XIXe siècle, les deux pères de l'évolution ? Pour Lamarck, précise-t-on, les girafes avaient transmis au fil des générations les centimètres progressivement gagnés en étirant leurs vertèbres. Pour Charles Darwin, en revanche, ce caractère serait survenu par hasard, puis aurait été sélectionné à mesure que les variétés à cou court se voyaient désavantagées.

Mais on peut aussi considérer, comme l'évolutionniste Stephen Jay Gould, que ni l'un ni l'autre de ces grands hommes ne s'est, en fait, vraiment intéressé à ce cas très particulier. "A propos de ce vénérable exemple, il n'existe absolument aucune donnée prouvant la supériorité de l'explication darwinienne", note-t-il malicieusement (La Foire aux dinosaures, Seuil, 1993), avant d'ajouter que "Lamarck ne présenta, de son côté, aucune observation pour soutenir son interprétation. " Stephen Jay Gould va plus loin. "Il est exact que les girafes mangent les feuillages des sommets, et elles s'en trouvent certainement bien, mais qui peut dire pourquoi ou comment leur cou s'est allongé ? Cela a pu se faire pour d'autre raisons, et puis, par hasard, cela s'est trouvé convenir pour aller chercher les feuilles des acacias."

Toujours est-il qu'il est long, démesurément long. Et que toute la physiologie de l'animal s'en trouve modifiée. Car son système circulatoire doit faire face à deux contraintes principales :
lorsque la girafe s'est dressée, son cerveau se trouve à trois mètres au-dessus de son coeur, et doit néanmoins être irrigué ; quand elle se penche, il lui faut au contraire éviter que sa tête subisse un brusque afflux de sang qui la ferait s'évanouir.

C'est pour cela que la géante, quand vient le temps de boire (dix à quinze litres d'eau d'une seule traite), risque le grand écart avec ses pattes antérieures, ce qui la rend très vulnérable au lion et à l'hyène, ses principaux prédateurs. Mais elle est aussi équipée, dans le cou, d'artères très élastiques, capables d'encaisser une forte pression sanguine, de puissantes valvules jugulaires permettant d'interrompre l'afflux du sang vers le cerveau, et d'un système vasculaire particulier situé à hauteur du crâne - le "réseau admirable" -, qui retient lui aussi le sang venant du coeur. Pas de doute : qu'il résulte ou non d'une sélection, l'évolution a fait en sorte que cet invraisemblable cou soit aussi vrai que nature.


                                                                                            Catherine Vincent

 

Bien qu'elles soient les plus grands mammifères du règne animal, les girafes sont aussi les animaux qui dorment le moins. Une girafe peut en effet se contenter d'une trentaine de minutes de sommeil par jour, et son sommeil profond ne dure généralement que 3 à 4 minutes. A cause de sa taille, qui l'oblige à des contorsions compliquées pour se coucher puis se relever, la girafe dort donc le plus souvent debout, mais il peut lui arriver de se coucher au sol, et uniquement si elle se sent en sécurité. Elle repose alors sa tête sur son dos ou sur le sol, près de ses pattes.

 

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