25/07/2015
Bestiaire I : Réserve du Sanglier
Dessin de Pacôme Yerma
Si bref l'instant où ont surgi
traversant le chemin forestier
la compagnie de sangliers
roux ludions dans l'aube bouleversée
De leurs mirettes infimes
écoutes dressées
visibles les toupets de leur queue
audible le petit trot des sabots
bientôt évanoui en lisière des feuillus
avec pour témoins çà et là
des mottes de terre répandues
Plus loin ce sont eux qui soufflent
et grognent prospectant la nourriture
vermillant du groin
à la surface des choses
les grès recourbés vers le ciel
frottés aux canines inférieures
L'Œuf astral immobile
dévoile les fourrures d'un brun luisant
des bogues de châtaignes nues où puisent
quelques marcassins en quête
parures d'un conte ancien
on les perçoit au cœur du sablier
comme médusés
avec à l'échine aux épaules
aux flancs mêmes l'armure
qui les caparaçonne
dans l'infini forestier
s'étoilent les cieux végétaux
Et les fûts même dans une insensible ronde
se dressent face aux étendues
laissant errer les craintes
de vieux mâles solitaires
dont la hure dit assez
qu'ils craignent tout de l'homme
avec juste raison
Daniel Martinez
10:44 Publié dans Bestiaire | Lien permanent | Commentaires (0)
Bestiaire III : Le Gypaète barbu
Dessin de Pacôme Yerma
Un ciel qui sommeille encore
remué par les grands fonds
par ces poulpes que forment
les galaxies invisibles à l'oeil
tandis que le jour
tout en regards tout en visions
réanime les fluides alentours ;
la profondeur s'empreint de rythmes
de souffles de timbres nouveaux
puis jette ses bras de lumière
sur la ligne des crêtes.
On l'aperçoit d'une autre aisance
l'aile battante, Gypaète barbu,
lentement dans le désordre nu
approchant le lait primitif.
Il passe où couche la mémoire
ruche béante confondue
aux syllabes du temps.
Plumes sombres doublées de tiges de feu
quel écart a donc fait paraître le rapace
signalé par l'abondante voilure orangé pâle
qui lui couvre le poitrail ?
Tête blanche au-dessus du crochet du bec
mais l'éclair noir est de sang
que l'oeil allume au beau milieu
de la foule des conifères bleu noir
où "l'aigle-vautour" tente de trouver pitance
comme il scrute impatient le sentier vide
l'image simple à sa mesure :
les mauves, les carmins
le froid baiser du vent
et les piqûres solaires
sur une carcasse repérée,
celle d'un jeune chamois
dont seule émerge la colonne vertébrale.
Ici et là le sifflement de ses pennes
le ciel ou pire l'enfer
d'une curieuse marelle :
le gypaète s'est emparé
des restes de l'animal
qu'il agrippe de ses serres
pour le ramener sous la queue
l'élever souplement dans les airs
et laisser tomber
depuis une aire de cassage
les os qui brisés le nourriront.
Lumières, petites lumières accrochant
au creux roux des reliefs
les dernières squames de la saison.
Un long souffle de fougères
pour creuser l'écume, le ciel sans repos.
Daniel Martinez
10:43 Publié dans Bestiaire | Lien permanent | Commentaires (0)
24/07/2015
Matthieu Messagier : "Faut payer pour voir (Au rendez-vous des Nouveautés) Poème"
Un extrait du livre de Matthieu Messagier, paru le 22 juin 1995, édité par Electric Press à 300 exemplaires :
Faut payer pour voir
(Au rendez-vous des Nouveautés)
Poème
Je traînais avec l'alouette les
cinémas étaient au coeur, les asphaltes
brusquement mouillés entre deux
séances stagnaient la mort oubliée
d'on se demande bien pourquoi il
y a autant de rues la perspective
ne le gagne à personne de la ramasser
n'importe où départ en verre de violette
notes de tête en panier de rhum
coeur sage d'acacia inchangé
santal fouillé de vanille couché sur
un lit d'ambre de civette sous la lune
est perlée de lumières d'abord et muette
de cèdre chaud ou de musc ces
milliers qui jalonnent les voies endormies
est retenu un accord unique celui
de l'orchidée et du jasmin à l'oubli
mystère et majesté viennent camoufler
le difficile artifice des phares que
refroidissent des carnets marins en
eau d'argent qui durcit ses ombres
d'organiser quelque soie sous le règne
d'un silence une brise venue tout
droit du parking jouit de sa surface
toujours améliorée il écarte les
parois de la chaleur de la nuit torride
pour y glisser des élans en étages...
Matthieu Messagier
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