16/01/2021
La Dernière Vague, Pascal Ulrich / Yves Leclair in Diérèse 54
Pascal Ulrich, dessin aux feutres, 2000
*
Porte dans le noir
la couleur se déchire au fond du temps
qui n’est plus dans la masse d’ombre du
quotidien de l’énorme normal trop
près de nous mais le rêve reprend nous
avions cru que c’était l’éveil la lune
le trou de la lucarne dans le toit
dormeur éveillé la cape des rêves
enlevée le manteau des nuées qui passent
dans le ciel immense fleuve à l’envers
mais on ne sait si l’on est dans la nuit
si c’est une aube la fin d’un jour d’une
époque ou bien d’une autre le ravin
des choses qui se ruent dans le torrent
de boue le gouffre d’ombre où les pieds nus
glissent dans l’herbe de la belle Isis
on ne sait si c’est l’offrande dans l’âtre
d’un crépuscule où l’on perçoit penché
là-bas dans sa barque le vieux nocher
sur la levée de la Loire,
revenant de Tours,
en fraude,
un soir de juin 2003.
Yves Leclair
01:29 Publié dans Diérèse 54 | Lien permanent | Commentaires (0)
15/01/2021
Il l'a échappé belle !
Respectant l'opposition de la famille du poète, Emmanuel Macron a rejeté le 14 janvier l'idée de faire entrer Arthur Rimbaud au Panthéon. Une pétition avait été lancée en faveur de l'entrée conjointe de Rimbaud et Verlaine au Panthéon. Bigre ! Le refus affiché des descendants d'Albert Camus n'avait donc pas suffi ? Passons... DM
Un poème écrit à seize ans par l'éternel adolescent, paru dans "La Charge" le 13 août 1870 sous le titre "Trois baisers" :
Première soirée
" - Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.
Assise sur ma grande chaise,
Mi-nue, elle joignait les mains,
Sur le plancher frissonnaient d'aise
Ses petits pieds si fins, si fins.
- Je regardai, couleur de cire,
Un petit rayon buissonnier
Papillonner dans son sourire
Et sur son sein, - mouche au rosier !
- Je baisai ses fines chevilles.
Elle eut un doux rire brutal
Qui s'égrenait en claires trilles,
Un joli rire de cristal...
Les petits pieds sous la chemise
Se sauvèrent : "Veux-tu finir !".
- La première audace permise,
Le rire feignait de punir !
- Pauvrets palpitants sous ma lèvre,
Je baisai doucement ses yeux :
- Elle jeta sa tête mièvre
En arrière : "Oh ! c'est encor mieux !...
"Monsieur, j'ai deux mots à te dire..."
- Je lui jetai le reste au sein
Dans un baiser, qui la fit rire
D'un bon rire qui voulait bien...
Arthur Rimbaud
16:17 Publié dans Actualités | Lien permanent | Commentaires (0)
"Le Temps des yeux"
Première lettre à Gaëlle
Sa bouche qui ne souffle mot qui vaille
est une offrande à la beauté pure
aux chuchotis des épicéas près de l'onde où celle
qui lui a donné le jour ce dix juin
ouvre vingt virelais de nacre
la comblant du lait qu’elle pressent
passe-velours auquel rien ne défaut
Mêlant mes gestes et ma pensée
les lignes de ses doigts silhouettent
les premiers instants du monde
griffés de la sève des lys
sur ma feuille
un sentier visible à peine court
jusques on ne sait trop où
et le temps sans mesure s’offre
à celle qui dans mes bras s’endort
comme à plaisir s'enfièvre le couchant
çà et là en ces lieux villageois
Daniel Martinez
Le Temps des yeux, Daniel Martinez, éd. Le Lavoir-Saint-Martin (nov. 2016)
02:49 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)