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12/07/2019

Raymond Bozier (Diérèse 51) accompagné par Pacôme Yerma

PRINTANIÈRES

 

voici que les mains adoucies de l’aube

et la saison qui monte

délaissent la froideur des nuits

pour jeter dans l’azur les oiseaux chétifs

qui ne savent rien de l’étendue des cieux

ni de ce qu’ils nous apportent

voici que des lueurs nouvelles

baignent de leur tendresse

les fleurs et les arbres endoloris

par les brutalités du temps

voici que les rosiers sauvages

embaument le chemin des amants

et que l’herbe couchée sous les corps

dévoile l’horizon blanc des hanches

voici que les parfums errants de la sève

révèlent l’impudeur du vent

qui tourne autour des maisons

et brasse les feuillages accueillants des sureaux

voici que les pensées sauvages

redonnent des couleurs à l’instant

et que le bruit des torrents

qui dévalent les pentes

engloutit l’âpre vision des villes

voici que vivre devient un plaisir

qu’aucun souvenir de l’hiver ne saurait éteindre


Raymond Bozier

 

ZOB.jpg

Pacôme Yerma

07:41 Publié dans Diérèse | Lien permanent | Commentaires (0)

11/07/2019

"Par quelles voies la poésie se fait-elle nôtre ?" : Armand Olivennes (1931-2006)

Le 3 septembre de 2000

Cher Daniel Martinez,

Pardonnez, je vous prie, le retard et le laconisme de ma réponse à votre attentionnée lettre du 19 août. J'ai dû entreprendre des voyages et accomplir quelques devoirs de famille et autres, entre-temps, ce qui est mon excuse...

Oui, j'aime la Nature même si j'arrive de moins en moins à en parler "comme il faut". Ronsard (ou Malherbe ?) la traitait de marâtre. Je n'y vois quant à moi aucun principe maternel (ni paternel, du reste). C'est une sorte d'oracle pour l'homme qui doit y déchiffrer sa piste mais aussi son errance et son aveuglement.
Si la fécondation et la maternité sont des phénomènes naturels par essence, la précarité, la mort, l'oubli sont tout aussi naturels. Les pauvres fleurs qui s'épanouissent l'espace d'un printemps n'ont peut-être pas pu éclore, elles non plus, ce qu'elles avaient d'individuel et de non sériel ? Il y a un moment évolutif de la Culture où la Nature, si vous la contemplez au dehors et au dedans de vous, vous sert de garde-fou. Alors ? Quand et comment rompre les cycles, les saisons, les périodes, les ères, la régularité du Temps et l'exception anormale ?
Comme vous, je relis Edmond Jabès. C'est le "soi-même" à quoi engagerait la poésie qui fait problème. Ce soi-même plein de sagesse n'est ni la poésie ni celui qui s'y exerce ou en a un besoin primordial. Elle même, la Poésie et nous-mêmes, les poètes, nous ne suivons pas naturellement, les sentiers battus.
Nous ne sommes pas les fidèles de la ressemblance. Nous recherchons plus volontiers ce qui s'est obscurci dans l'obscurité, fût-ce la chimère la plus puérile, la lueur la plus fugitive d'un sens meilleur que le bon sens.

Je me réjouis par avance de découvrir l’œuvre de Miguel Hernández (un poète dont je n'ai lu que quelques poèmes) dans le prochain numéro de Diérèse. J'espère que vous rappellerez ce que fut sa vie, son engagement, ses souffrances.

Merci encore de me faire participer à l'aventure de Diérèse et toutes mes confraternelles amitiés,

                                                                   Armand Olivennes

09/07/2019

Michel Baglin (25 novembre 1950 - 8 juillet 2019)

Apprendre la mort de Michel Baglin est une épreuve, même si nous ne nous connaissions que de loin, et pourtant. L'animateur de Texture nous a quittés, depuis son chemin de longue haleine, en terre toulousaine.
La dernière fois que nous nous sommes vus, ce fut le 17 mars 2018 à Savigny-sur-Orge lors d'une soirée organisée par la compagnie théâtrale Les Trois Clous, dans une programmation d’Évelyne Morin. Des extraits de Un présent qui s’absente, (éd. Bruno Doucey, 2013) et de L’Alcool des vents (éd. Rhubarbe, 2010) y étaient lus, par l'auteur et par des acteurs, avec des intros musicales enlevées, brillamment menées par le Saxiana Quartet (une extraordinaire Anne Lecapelain au saxo et à la basse)...
Une soirée pas comme les autres donc, où Michel nous avait emportés dans des poèmes qui n'avaient rien d'enjoués. Il était 20 heures 30, il ouvrait la soirée et le silence se faisait naturellement autour d'une voix, d'une âme qui nous renvoyait entre autres aux espoirs déçus des années de braise étouffées à petit feu avec la perte des utopies, avec le présent qui glisse et le passé qui continue de frapper au carreau, avec les derniers fétus sur la grève, réanimés par le souffle de quelques-uns, poètes par essence et conviction. Fidèle à ses lecteurs, Michel Baglin - loin de "l'extase matérielle" ou des débats giratoires entre le zist et le zest -, l'a toujours été face à lui-même. L'été aurait-il eu raison de lui, pas si sûr : car ses poèmes continuent de résonner en nous comme sa passion de l'écriture, sachant que "Les vrais livres n'ont pas de fin." Daniel Martinez

08:12 Publié dans Hommage | Lien permanent | Commentaires (0)