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27/07/2019

Jacques Lucchesi nous accompagnera dans le n°77 de Diérèse

Notes sur l’ombre

 Dans quelle mesure l’ombre participe t’elle à la construction de notre identité ? Tout comme ils font  l’expérience de la reconnaissance faciale dans le miroir, les enfants observent assez vite ce sombre  double d’eux-mêmes que le soleil attache à leurs pas et qu’il étire ou raccourcit selon les heures de la journée. Souvent ils s’en étonnent, parfois ils s’en amusent  jusqu’à créer d’autres formes que la leur au moyen d’une simple lampe. L’invention du cinéma doit beaucoup à ces jeux de mains spontanés que l’on pratiquait en famille pour égayer les soirées d’antan, dans une tranquille ignorance des lois de la physique. Car le but recherché était tout sauf scientifique. Cela ne coûtait que la flamme de la chandelle et les plus habiles s’entendaient à faire surgir des merveilles avec leurs doigts.

Mais l’ombre n’est pas que ce phénomène – fascinant - de diffraction de la lumière. Elle est aussi un substantif dont la richesse sémantique n’en finit pas d’irriguer notre culture littéraire et philosophique. Platon en fit l’élément ambiant – sinon la condition -  de sa célèbre allégorie de la Caverne. Tandis que les mythes grecs, après ceux des Babyloniens, reléguaient l’ombre au royaume des morts – l’Hadès -, voire aux forges d’Héphaïstos, dans les profondeurs de la terre à jamais privées de la lumière diurne. La Bible devait, elle aussi, perpétuer cette dichotomie en lui adjoignant une dimension morale. Ainsi, tout ce qui était désigné comme ombreux ne pouvait que participer des forces du Mal.


Jacques Lucchesi

Pas à pas dans la composition du numéro 77 de Diérèse : quelques lignes d'un roman, de Michel Passelergue

ERWARTUNG
(Un roman pour Ophélie, scène 3)


Un roman, disais-tu ? Oui. Ce serait entre les mots et dans leurs failles, dans leurs silences, le mouvement d'une main allant de mémoire. Déposée sur chaque page, toute l'écume du temps. Une rumeur venue de l'ombre, des remous dans l'indicible. J'écrirai donc, sous la lampe de minuit, mille feuillets d'oubli pour des strophes aux ailes blessées mais éblouies. Autant de déchirures au plus vif de l'attente. Je découvrirai peut-être, me remémorant nos très lointaines fêtes à l'abandon, vos lettres perdues et, mêlés aux poèmes, à leurs liasses froissées, quelques secrets à cueillir sur l'oreiller, à l'aube...


Michel Passelergue

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le détroit des deux siciles, photo d'Olivier Massé

Flora Delalande sera des nôtres in Diérèse 77

La vierge et l'ouragan

     Tourbillon de lumière diffractée par le vent. Pureté en cavale. J'entends un frémissement, le froissement d'un corps perdu dans les affres du ciel. Est-ce un cri ?

     Chahuté, balloté, tourné en tous sens. Tu deviens vent.
     Tu montes et descends tel un ascenseur émotionnel au câblage usé, grinçant. Ton corps gémit doucement sous les caresses d'une brise téméraire. Et ta silhouette se fait ange, tache blanche au creux des cieux.
     Tu tentes de te fondre dans les nuages, d'en prendre l'aspect, mais ceux-ci sont trop noirs, trop lourds et menaçants. Alors tu vocifères et tempêtes. Tu te débats, tissu immaculé, plastique abandonné. Tu te débats contre ces spectres effrayants. L'air est plus pesant que la gravité elle-même. Tu pressens que l'on te presse, que l'on t'oppresse, comme un insecte aux ailes déchirées qui voit le sol se rapprocher. Tu es dépendant du souffle qui te pénètre et tu sais qu'à la prochaine expiration de l'univers tu seras projeté au loin, en des lieux dont tu ne connais pas même le nom. On t'écrase, te plaque contre le sol, et t'arrache une fois de plus. Quelle est cette force qui te gouverne ? Ce souffle impétueux que tu sens entrer en toi ?...

 

Flora Delalande

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