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26/07/2019

Pierre Mironer sera des nôtres in Diérèse 77

Ava Gardner à Tossa de Mar

 

    « En 50, on vivait de la pêche et du chêne-liège. Il y avait encore des cartes de rationnement. C’était "le pacte" de la faim. »

     Pour les amateurs de cinéma, Tossa de Mar est surtout la ville où Ava Gardner a incarné « Pandora » dans la baie nocturne, pour rejoindre le yacht du Hollandais volant. Premières images en Technicolor pour ranimer de vieux mythes légendaires, celui de « La boite de Pandore », et celui du capitaine du Flying Dutchman, condamné à errer à travers les siècles, soit suite à un "pacte" passé avec le Diable, soit pour avoir pris la mer un vendredi saint. C’est aussi « Le Vaisseau fantôme » de Wagner : Tossa de Mar, dans les années cinquante, devint pour tous la cité d’Esperanza.

     C’est Albert Puig Palau qui fit découvrir Tossa à Albert Levin : dans le film de Levin, europhile convaincu, les pêcheurs qui paraissent à l’écran parlent tous catalan. « De tous ses fichus films (On doit à Levin un « Dorian Gray », en 45), « Pandora » compte sans doute parmi les plus obscurs... « Pourtant, rien de ce que j’ai fait avant — ni après — n’a eu un tel impact sur moi » (Ava Gardner, « Mémoires »)...


Pierre Mironer

25/07/2019

Jasna Samic sera des nôtres in Diérèse 77

ODE AU CORPS D’ALBATRE

 

       Tel un obélisque

       Évoquant Amon

       Au corps d’albâtre

       Charon

       Comme sculpté par un ciseau d’or

       A la peau de satin d’où éclate la vie

       Passe dans un voilier empli de la blanche mort

 

       Il écarte les ombres

       De l’Au-delà

       Impassible à la magie vive

       Qui le nargue de ses lisses

       Rondeurs...

 

Jasna Samic

24/07/2019

Chantal Danjou se joint à nous pour composer le futur numéro 77 de Diérèse

à Thaïs

L'émondeur

 

Si les arbres tiennent encore les feuilles c’est grâce à la lumière à travers les toutes dernières, dans cette ramification inférieure qui balaie ou est balayée par le rond du panneau d’interdiction de stationner, par la colonne du réverbère, situés à cet endroit du tronc d’où partent les branches maîtresses, et ce sont des feuilles qui pendent, auréolées du triste prestige des lueurs de fin d’après-midi et de leur jaunissement de fin de saison, comme si déjà les rameaux qui les portaient étaient les plus fragiles, que Zoé reconnaissait cette fragilité pour être liée à l’agitation des feuilles, amplifiée depuis quelques jours, soit qu’elle eût grandi, gagné en lucidité, soit que voir pour la première fois ces mêmes mouvements sur l’écran d’une télévision appartenant à sa voisine, lui apprenne brutalement qu’il existait donc des choses, des formes et des êtres qu’on ne pouvait pas toucher ni regarder de trop près, un peu comme ces branches bien trop hautes pour qu’elle puisse seulement les effleurer comme elle aurait aimé le faire car ce devait être doux, caressant et bon, qu’elle imaginait que sa main à leur contact prendrait de cette clarté et de cette transparence, ne songeant pas un seul instant que ce serait du même coup signer sa perte, sa chute, sa mutilation, ce qu’elle ignorait même si de toutes façons perte, chute et mutilation, dans un ordre ou dans un autre, auraient inévitablement lieu, dans le tourbillonnement de la feuille ultime, sans que la voisine ne lui ait dit autre chose que de ne pas s’approcher de l’écran même si elle aurait, au contraire, bien voulu s’approcher, ce qu’elle tentait de faire en avançant sa petite chaise centimètre par centimètre, et que plus elle se rapprochait plus elle avait l’impression de connaître les gens qui bougeaient sur l’écran comme s’ils y étaient pendus et qu’avec elle, ils avaient traversé la place et passé sous les feuillages inondés de lumière, en faisant les clowns, en marchant sur les mains, ce qui la faisait rire toute seule en y pensant et soulevait l’inquiétude de sa voisine qui n’arrêtait pas d’alerter sa mère sur l’étrange comportement de la petite, ce dont sa mère ne se préoccupait guère, heureuse de sentir sa fille « voir autre chose », comme elle le disait, que les rencontres se faisaient, inéluctablement, et que ce soit avec la télévision qu’elles n’avaient jamais eue car il ne fallait pas perturber l’équilibre moral, sensible et intellectuel de leur famille selon les préceptes de leur Monsieur B., émondeur de profession, l’amusait au fond, pas loin de lui faire partager la gaieté de sa petite Zoé qui avait toujours été une enfant prompte à s’étonner et à se réjouir, c’est elle d’ailleurs qui, de sa voix fluette mais déjà assurée, avait demandé en répétant l’expression comme une ritournelle : « émondeur de profession », c’est quoi ?, « je débarrasse les arbres des branches qui sont mortes ou inutiles, nuisibles des plantes parasites », récitait leur Monsieur B. en regardant Zoé et la mère de Zoé...

 

Chantal Danjou