31/05/2020
"La Chasse infinie et autres poèmes", Frédéric-Jacques Temple, Poésie/Gallimard, 2020, 368 p., 9,50€
Du doyen des poètes français, au gré des quatre vents, comme à l'ombre de ses mains sur la page, tout un univers lové là sous nos yeux s'anime :
La mer sauvage
A Jean-Guy Pilon.
J'ai pris la foëne et le harpon
au-delà des forêts, des lacs sans nom,
des mille rivières,
dans une mince pirogue de tremble
qui me berçait.
Je me suis réveillé sur la plage
immense et vide de la Mer sauvage,
où dans les sables bat encore
le cœur rebelle
de mon requin,
sous le soleil furieux
qui sonnait à grands coups
dans ma tête,
tandis que je tirais sur le filin,
et mon fer plongeait avec le fauve
dans l'eau verte bouillonnant
comme des entrailles.
En ce jour couleur d'apothéose
je titubais sur le gaillard d'avant
dans les giclées d'écume et les semonces
de la Bête innommable
hérissées d'anciennes ferrailles,
de grappins, de crocs inimaginables
et de trente harpons rouillés
que je ne cesse en rêve de lancer
sur le squale de mon enfance dans une rage
inguérissable.
Frédéric-Jacques Temple
09:43 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)
30/05/2020
"Registre", de Robert Marteau, éditions Champ Vallon, 1998, 240 p., 20 €
Un arbre éperdument jette ses bras au ciel
Car le lierre à la longue l'a étranglé :
On le voit qui voudrait à tout prix s'agripper
A tout ce qui passe en fait de nuages, brumes,
Mais il ne saisit rien, et c'est l'insaisissable
Qui s'empare sournoisement de lui, l'évide,
Le point de l'écorce au cœur sans que compatissent
Pour autant les étourneaux qui viennent en bandes
S'y poser, y sifflant et modulant leurs notes,
Surtout quand le soleil descend, visible ou non,
Et qu'il va faire nuit. Et quand toutes les choses
Seront dans le noir, il sera encore là
De tous ses rameaux morts mêlés à l'univers
Dans la proximité des constellations.
La Plessis-Bourré, samedi 18 septembre 1993.
Robert Marteau
05:02 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)
29/05/2020
"Le grain de l'ivresse", de Laure Missir avec 8 collages de Philippe Lemaire, éditions des Deux Corps, 300 exemplaires, 24 pages, 20 €
Un livre d'artiste, d'une grande beauté, on en tourne les pages précautionneusement : poèmes et collages se répondent, s'entrelacent, écartent le voile de la douce ténèbre et page après page séparent tout en finesse le bon grain de l'ivraie. Sans figer pour autant l'esprit qui les fait être ce qu'ils sont, au cœur du mystère, ainsi revisité, pour le meilleur... En sus, 6 exemplaires de tête signés sur beau papier proposent une suite inédite de collages. Les lecteurs de Diérèse ont la chance de connaître de près Philippe Lemaire, grâce à l'entretien mené par Bruno Sourdin, paru dans le numéro 78 de la revue (p. 147 à 196).
*
Autour de toi
La mécanique des demoiselles
Fidèles aux cerceaux de bois
Crisse aux quatre vents des folies enfantines
La belette s'affranchit de son écrin de poils
Et flirte avec l'écume rose des joues
Nos lettres nous lient à distance
Je te suis
Dans ton sommeil d'absent
J'écoute tes rêves
Ils bruissent en moi
Laure Missir
02:35 Publié dans Arts, Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)