23/08/2015
Lettres à Gaëlle XXII
XXII
Un grillon chante à l'entrée de la demeure
dans la savante dissymétrie des plantes des arbustes
et des rosiers grimpants la robe de Gaëlle se confond
avec ces fleurs que je vois libres d'exister
avec la lumière touchant d'écume l'après-midi
où bouge une branche puis l'autre un rythme venu de loin
Quelqu'un monte l'escalier une porte s'ouvre se ferme
comme l'éventail au dessin japonais
où tu te vois paraître mais à cet instant précis
quel est donc le sens des signes
les marches de marbre bougent doucement
une chevelure un bras une ombre mobile
et des mains d'or qui effleurent le crépi du mur
remontent la rampe estompent la rumeur du monde
le silence comme un grand linge mouillé sur l'étendoir
à deux pas de ta couche où dorment paisibles
sous la paupière les gouttes noires des iris
tandis qu'au loin s'en vont les jours
la mémoire s'entr'ouvre bruisse le temps
telle phrase muette arrêtée sur les lèvres
sur l'orangé des parois
où s'insinue le dieu silencieux
éclaboussant la page de gouttes claires
d'un entracte propice aux évasions de toutes sortes
l'âme perdue entend toujours ce qu'on lui chante
elle respire l'imperceptible odeur de feu sur les carreaux
de la cuisine où mûrissent des pêches brodées de sang
des images errantes son corps sa présence
Daniel Martinez
01:10 Publié dans Eden | Lien permanent | Commentaires (0)
16/08/2015
Lettres à Gaëlle XXI
XXI
Aux fibres herbes nuages filons irisés
passés en l'inclinaison des songes
où blondissent les pierres
au faible ondoiement du champ d'orge
que pour moi tu pointes du doigt
serait-il point d'appui à l'imagination en fuite
Au domaine pur des nombres et des reflets
ces menues particules que l'oeil aura saisies
dont le souffle filigrane le camaïeu des verts
et les invisibles veines d'un corps
qu'elles irriguent continument
Avec le chiffre des augures sifflé
et la part du dieu dans les mille et cents
frôlements qu'intègre la frondaison
sources menues soupçons infinis d'une Histoire
la nôtre dans sa naïveté première reconnue
foin des malheurs du monde
Le jour a mis sa marque
sur l'âme neuve des feuilles appariées
sur les spires d'ambre du hêtre détachées
que libère l'oiseau le pic noir
qui en fera la coiffe future de son nid
Il n'est de qui-vive plus exquis
de rite plus immuable
pour témoigner du déchirement
de l'air à cet instant où nous marchons voyant
qu'il emprunte la matière de nos corps
pour infiltrer l'insaisissable
les flammes de l'été aux persistants tremblés
de l'air qui dit redit la péripétie du Temps
les forces d'un monde en travail
creuse en nous toutes les perceptions sensibles
elles tressent au long du mur d'enceinte
un long collier de lierre funambule
L'épine du buisson ne saigne plus
les eaux d'en bas s'étirent
désertent la nuée
passé la haie de thuyas
le pré voisin semble un jet de buée
Daniel Martinez
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20/07/2015
Lettres à Gaëlle XX
XX
Les yeux mi-clos le coeur battant
quelque chose qui flottait
hors de la nuit des hauts sapins
avec dans la poitrine la lande bossuée
le jour en haillons d'ailes
en lisière desquelles s'abîme et renaît
une de ces phrases aimées
qui voudrait tramer le monde
Tu es là qui me donnes
dès l'instant où la lumière se déclare
cette force qui me manque
dans l'ordinaire des jours
dans les sillons dessinés le ciel
les traces du pinceau
les évidences du travail
accompagnent toute une suite d'images peintes
qui font que l'on finit
par être hanté par elles
Touches-en le fond
et penche vers le bleu
où matière et idées s'interpénètrent
le vent le feu maintenant fumée
suit l'ombre portée sur le mur
et tes mains redessinent
l'amandier qui du fond du Jardin
laisse ses coques sèches craquer sous le pas
Sous la surface d'un invisible présent
cela bien même d'où filtre
cette réécriture du monde
où la vie les viviers impériaux de l'ancienne Chine
se gonflent grimés d'émaux
harnachés de vieil or
criblés de particules blanc bleuté
Daniel Martinez
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