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17/03/2019

Le parc zoologique du Bois d'Atilly

Une après-midi passée (avec Gaëlle et Diane) dans ce parc de Seine-et-Marne à regarder le temps fuir au beau milieu d'animaux dits sauvages, engrillagés tout de même, mais sous de vastes contours, heureusement pour eux. Il n'y faisait pas bien chaud malgré quelques éclats solaires, l'hiver est encore tout juste présent et se rappelle à nous par des mouvements dans le ciel qui d'un coup déchirent l'horizon. Les troncs humides des arbres, noirs après la pluie. Des autruches mangent - ce qui fait rire les petites qui découvraient ainsi le monde animal - des feuilles mortes, espérant quelque pitance du visiteur, ici les poches vides. On se dit qu'elles doivent avoir faim, ces autruches, pour en arriver là. Mais j'y vois à cet instant précisément plus que cela : en filigrane, derrière l'image de ces rescapées, chosifiées, l'écho d'un monde qui prétendrait se jouer de ses origines en pensant maîtriser ce qu'il asservit. Oui, "voir, c'est avoir un point de vue." C'est réinterpréter la marche du monde, partie prenante de l'univers...
L'univers en son constant réaccomplissement : sourires entendus, à suivre en ses girations spatiales - par le biais des clichés de la sonde New Horizons -, la forme embryonnaire d'Ultima Thulé, concrétion de glaces et de pierres vives, à l'origine de ce qui fut. L’œil est parti(e) de ce lieu du corps où la chair est moindre.

Et puis, dans cet espace réservé du Bois d'Atilly, nous vîmes quatre loups blancs, superbes de liberté, dans un lieu qui ne s'y prêtait qu'incomplètement, les arbres dénudés laissant transparaître jusque dans le détail de leur foulée cet appétit de vie qui les anime et les fait traverser la scène sans avoir l'air de bouger : la dernière pluie encore visible dans le soleil qui n'arrête pas de se dérober. Il est à peine seize heures et la lune déjà paraît, aux trois-quarts pleine. Vouloir étreindre quelques limites, à quoi bon ? Aussi bien, au creux de l'oreille interne, sur un fond bien plus sombre alors, me revient cette chanson interprétée par Serge Reggiani, "Les loups sont entrés dans Paris", pourquoi donc me direz-vous ? Puis au ras frontal des yeux, là où la distance n'est plus permise. Si la tristesse induite ne balaye pas tout le reste, je ne puis néanmoins y échapper. Gaëlle, pour qui j'ai écrit Le Temps des yeux et qui ne le sait pas encore : "Papa, dis-moi à quoi tu penses, allez, s'il te plaît ?" Silence, entre hièbles et bardanes.

Elle s'est piquée l'index en approchant de trop près sa main des orties pour cueillir une fleur égarée, et me demande de souffler,afin de chasser s'il se peut la brûlure. Nous sommes à quelques pas du point d'alimentation des daims et l'un d'eux quête, à qui mieux-mieux... Dans la forêt d'Armainvilliers, un jour de froidure, là, posté sur le chemin de randonnée, le vif-argent des alchimistes. Lui m'était apparu et je m'étais arrêté brusquement, car le sol aurait continué à craquer sous mes semelles. Pas loin d'être irréelles, ces quelques minutes. Rien n'est vraiment au monde tant que nous n'en avons pas eu la révélation. Des flocons tombaient à présent, de plus en plus serrés, ils étaient d'un autre temps, assurément. L'argent en miroir du plan d'eau, constellé en surface. Sous les larmes pétrifiées de l'ange, le daim s'est enfui, les feuilles qui couvraient les bas-côtés, figées, muettes d'une émotion contenue. Respiration en profondeur. Mais : un daim me soufflerez-vous, qu'est-il besoin d'écrire à son sujet ?, pas si rare que cela d'en croiser un. Sauf que celui-ci s'était montré à nous dans une confondante naïveté, jusqu'à humer les fleurs tendues pas les enfants.
Tout porte à croire que nous ne vivons de l'instant que sa partie visible, lumineusement libre et retenue. Sachant que l'illusion de l'illusion se donne pour la réalité : par le fait même, la plus fuyante qui soit.


Daniel Martinez, 16/3/2019

01:11 Publié dans Journal | Lien permanent | Commentaires (0)

23/02/2019

La naissance du poème, pour Gérard Engelbach

Quelles circonstances, pour moi du moins, entourent la naissance du poème ? A vrai dire, n'importe lesquelles : il n'est pas de lieux ni de moments privilégiés. Ce qui annonce le poème ? Une sourde, lente germination, maturation, des remuements. Puis jaillit une image, parfois un vers entier, qui bien souvent ne sera pas retouché. Là véritablement commence le travail : sur les mots, sur le rythme, l'agencement, la musicalité - qui parfois guide le sens. Je conserve assez vif le souvenir de mes rêves, mais je ne leur emprunte pas la matière d'un poème, dont l'élaboration doit être "gouvernée". De ce point de vue je me sens proche des classiques - le dix-septième siècle français reste pour moi une référence forte - et si j'admire André Breton, je n'ai guère attaché d'importance à l'écriture automatique. Ce qui compte, c'est un travail incessant, acharné, sur ce qui constitue notre langue. Manions l'inconscient, du mieux qu'il nous sera possible, mais ne nous laissons pas éblouir : lui-même y perdrait sa force et sa richesse, dont nous sommes tout à la fois les garants et les héritiers."


     Me composent ?
     Des roches sédimentaires,
     Des fuites sombres sous les bois,
     Des caprices dorés,
     De glorieux bourgs planant sur les collines,
     Des hampes de cristal, d'immatérielles soies.


     Tout au sommet le feu
     Et son volant.


Gérard Engelbach

22:34 Publié dans Journal | Lien permanent | Commentaires (0)

Sur la ligne d'horizon : Diérèse 76

Si j'ai en tête le contenu du numéro de Diérèse opus 76 ? Bien entendu, je vous en ai déjà révélé une partie en dernière page du 75. Vous en dire plus ? Nous reviendrons sur Thierry Metz, sous un angle jamais exploré jusqu'à ce jour (chut !, secret rédactionnel). Mais encore ? Vous pourrez lire des traductions inédites de la poète espagnole Teresa Soto ; inédites aussi, celles des poèmes de Maria Luise Weissmann, à ma connaissance jamais traduite à ce jour en français : il s'agit d'une poète dont l’œuvre (mince) est assez connue en Allemagne, d'inspiration expressionniste et très marquée par Rilke et Trakl. Vous en demandez plus ?, soit. Un article bien senti de Christophe Schaeffer, intitulé "Sur le pas de tir", qui débute ainsi : "La culture du mal-être continue sa récolte, bien plus qu'une culture, elle est aujourd'hui une production philosophique et poétique de masse. Dans la mouvance de l'écriture du désastre, le mal-être semble s'emparer des mots eux-mêmes et du sens d'exister qui se dérobe sous la plume de la plupart des poètes contemporains servis par des critiques et éditeurs, eux-mêmes, au bord du gouffre..." J'aime !, et m'arrête là. Amitiés partagées, Daniel Martinez

22:13 Publié dans Journal | Lien permanent | Commentaires (0)