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23/10/2020

"La Chine est-elle (encore) une civilisation ?"

En descendant le boulevard Saint-Michel, lu, tout près d'affiches encollées à la va-vite : "L'iniquité au pouvoir, c'est la décapitation du savoir". Comment faire fi de l'actualité directe, où la notion de savoir-vivre s'effacerait, face à un irrationnel figé qui voudrait à toute force prendre le pas sur le rationnel au lieu de se donner les moyens de composer avec lui ?
... Nous sommes de facto entrés dans une ère tout aussi inquiétante, anxiogène que procédurière à l'excès, où l'échange même (avec l'autre) tend peu ou prou à devenir conflictuel dès qu'il touche à certains domaines "réservés", où la liberté de chacun poserait question a priori. D'où ces réactions en chaîne, à partir desquelles la force animale voudrait se défier de ce que Rousseau appelait "le contrat social" ; ou encore récuserait cette phrase admirable de Baudelaire : "Ce qui est créé par l'esprit est plus vivant que la matière." La matérialité excessive de notre vécu social semble par effet retour provoquer ces débordements et distorsions auxquels nous assistons, impuissants, voire médusés, de nos jours plus que jamais. Face à cela, existe-t-il, néanmoins, un pouvoir équitable ? Poser la question c'est déjà y répondre.

Place Marcelin Berthelot, suis entré au Collège de France pour y suivre une conférence donnée par la fille de François Cheng, avec pour sujet : "La Chine est-elle (encore) une civilisation ?". Je reprocherais à Anne de ne pas avoir défini d'abord ce qu'est au juste une civilisation : pour discuter plus à propos de ce territoire immense que les dirigeants actuels de la Chine voudraient pouvoir qualifier d'État-nation. Or les valeurs mêmes que porte la civilisation, ici vieille de cinq mille ans (ou plus) peuvent-elles se fondre avec le politique, avec les régimes successifs qu'a connu l'Empire du Milieu. La démonstration d'Anne Cheng tendrait à prouver le contraire. Et, fort justement, que le savoir politique ne peut-être que l'une des composantes et non l'essentielle pour donner un fondement cohérent à la notion de civilisation, faisceau convergeant contribuant à un mieux-être collectif et individuel, qu'il nous appartient de conceptualiser pour mieux l'accompagner. Cette formulation claire apporte une réponse directe et pertinente à la question qu'elle se/nous pose, à juste raison.
Si déclin d'une civilisation il y a, il pourrait se loger dans une mise sous le boisseau du savoir, au seul profit du politique, dont les vérités sont si fluctuantes qu'elles tentent de canaliser une pensée qui ne servirait pas, directement ou indirectement, sa cause. Reprenons Nietzsche, cette phrase entre toutes : "Nous avons l'art afin de ne pas périr de la vérité." Beaucoup de nos nouveaux illuminés feraient bien de s'en inspirer, à défaut de la comprendre tout à fait.
Amitiés partagées, Daniel Martinez

16:28 Publié dans Journal | Lien permanent | Commentaires (0)

29/07/2020

La zone grise : Journal du (dé)confinement X

Que dire de cette zone grise, qui recouvre les non-dits de la crise sanitaire mondiale, en passe de devenir pour le grand nombre une idée fixe, éclipsant tout le reste de l'actualité, nationale et internationale ? Certains y voient une possible amorce de l'extinction de l'espèce humaine - rien que ça ! D'autres, une nouvelle ère pour des États musclés qui pourront ainsi réguler à l'envi les libertés individuelles des masses en s'appuyant sur un pouvoir médical omniprésent, relayé par celui des laboratoires. Ah, ça non, eux ne chôment pas, mais tournent à plein régime. Il suffit de voir à l'heure actuelle les files de personnes qui se font tester pour un oui, pour un non et pour on se demande quelle raison au juste, puisque l’immunité une fois la maladie contractée n'est que provisoire. Et j'allais oublier, dans ce Grand Bal Masqué estival, les médias, télévisuels ou autres, pour orchestrer le tout, au propre et au figuré.

Tiens, à propos de victimes, quid du traitement des malades en ehpads pendant le premier confinement ? J'en discutais avec Olivier : il travaille pour une mairie du Maine-et-Loire et s'étonnait du nombre de morts dans ces établissements qui auraient dû être protégés des visites extérieures. Précisément, comment ces contaminations, a priori en vases clos, ont-elles pu prendre une telle ampleur, si les consignes de départ avaient été respectées ? Je lui ai signifié qu'à Ozoir-la-Ferrière, il n'y avait à ce jour aucun mort à déplorer en ehpad ou établissements assimilés. A l'échelle hexagonale, c'est une autre musique.
Olivier : "Voilà ce que j'appelle la zone grise, une zone indéterminée ; comment mesurer par exemple le nombre de cas où dans les ehpads l'on a abrégé les souffrances des contaminés en les déclarant perdus d'avance ? En tout cas, une partie du personnel soignant s'est appuyée sur la nouvelle législation et personne, sauf toi peut-être, aurait l'impudence de le leur reprocher."
Moi : "Mais, avant le terme choisi par l'autorité médicale, informait-on les familles de la chose si je puis dire ?, et là, je ne te parle même pas des adieux légitimes que les proches de ceux que l'on allait envoyer ad patres avaient le droit de réclamer". Un ange passe.

"Tu sais, Olivier, je vais te conter une histoire. L'autre jour, un homme dans la rue de Reuilly m'apostrophe. "Ma femme est réanimatrice, c'est aujourd'hui le dernier jour pour demander une prolongation de son contrat. Pour éviter de trop attendre au guichet de la Poste, et comme elle est de garde, j'ai dû confectionner le recommandé contenant sa demande par Internet ; pourriez-vous me prêter votre smartphone pour que je photographie ce pli, n'ayant pas de preuve de dépôt ? Je lui ai prêté bien volontiers mon portable, il a ensuite pu transférer la photo sur son PC. Avant de se quitter, et pour me remercier : "Merci infiniment, Monsieur, vous êtes une bombe atomique !", ne se doutant pas que c'était pour moi une manière d'insulte."

... A la réflexion, cet empressement autour d'un contrat pour un service de réanimation, comment dire ?, m'a quelque peu gêné, par principe. Et puis je me suis dit que décidément je voyais le mal partout. Nenni, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes !
Vanessa de Pizzol, qui tient avec Andrea Genovese un journal poétique en ligne, Belvédère, dont le numéro 59 traite du sujet, fait partie comme votre serviteur de ces sceptiques, pour qui l'excès de malheur en deviendrait donc le remède ? Elle m'écrit : "on a l’impression de vivre un apartheid de la pensée qui se double d’un apartheid masqué/non masqué..." La peur de la mort conçue comme une ligne de vie, nouvelle façon d'oublier que l'on ne construit rien de solide sans prendre le risque d'être, quel que soit le contexte, quel que soit le danger. C'est avec la réalité qu'il faut jouer, non avec l'image que l'on se fait d'elle, dans un miroir aux anamorphoses.


Daniel Martinez

08:24 Publié dans Journal | Lien permanent | Commentaires (0)

19/07/2020

Au bal masqué !

S'il est vrai que je ne suis pas médecin ni aide-soignant, au milieu du feuillage remuant des êtres et des choses (ou des êtres que chosifie la cause médicale) je dois avouer avoir bien du mal à retrouver mon chemin ! J'en vois ici ou là conduire masqués vitres fermées, des touristes dans le métro buvant un petit coup en ayant relevé leur protection salivaire sur le nez, des badauds déambuler en pleine rue le masque ne couvrant que la bouche, d'autres le portant en mentonnière, d'autres à l'oreille gauche ou droite selon ; et puis les plus inventifs, aux tissus colorés, avec une truffe ébène à la place du nez, des Mickeys, des Schtroumpfs, des Spiderwomen, des Spidermen new generation, des jungles miniatures, etc, en devanture. Pas encore de masques vénitiens, c'est dommage, vraiment. En les adaptant un peu, ils devraient pouvoir faire l'affaire.

Ce lundi, il me faudra travailler masqué, sans climatisation (morituri te salutant !) ; certes je serai loin d'être le seul concerné par la chose, maigre consolation... Tiens, on reparle du paludisme en Afrique. 8 115 personnes tuées par le Covid-19 sur ce continent contre 380 000 Africains victimes en 2018 du paludisme ; boutade, va-t-on leur interdire la chloroquine ?... Du coup, plus personne ne parle plus du professeur Raoult, lui faisant mention du taux de létalité dans la population contaminée ; les gouvernants eux, du taux de mortalité général, beaucoup plus avantageux pour la sphère statisticienne. C'est de bonne guerre.

Tout se mêle, s'interpénètre. Frontière devenue poreuse entre animaux domestiques et sauvages, ceux-ci peu à peu chassés de leurs aires de vie, braconnés, etc, par le plus grand des prédateurs, l'homme. Le serpent se mord la queue. La science pour le moment montre son impuissance. Prévenir au lieu de guérir, on n'y coupe pas. On m'objectera donc que le masque est la meilleure des préventions, exact, une fois que le mal est fait et sachant que le ridicule ne tue pas. C'est déjà ça ! Tout près de moi, une guêpe piégée contre la vitre croit toucher le dehors, baigné d'ombres bleues. De même nous croyons ces temps-ci toucher le dehors ; ce ne sont que des taches étoilées sur le sol, reflets de la nuit passée.

 

Daniel Martinez

10:39 Publié dans Journal | Lien permanent | Commentaires (0)