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05/04/2015

Paul-François Dubois écrit à Chateaubriand

Paul-François Dubois (1793-1814), professeur de lettres d’opinion libérale et futur député, fonda en 1824 avec Pierre Leroux le journal Le Globe, publication d’abord purement littéraire et philosophique avant de devenir politique après la chute du ministère Villèle en janvier 1828. Cette missive et la réponse de Chateaubriand sont il me semble inédites.

Tout d’abord, la lettre de Paul-François Dubois :

« Je pars malade, bien malade ; on me dit que j’ai besoin de l’air de mon pays [l’auteur a barré : et vais chercher quelque vie dans notre Bretagne]… J’emporte vos ouvrages pour charmer ma solitude. Je les relirai aux lieux où je les ai lus pour la première fois… car pourquoi ne vous le dirai-je pas, ce sont vos livres qui ont inquiété pour la première fois ma pensée, et animé mon imagination. Sans cette éducation toute soldatesque, toute servile de l’Empire, c’est le Génie du christianisme qui fut le véritable maître des âmes, & pour moi, dans notre bonne et religieuse province, je lui ai dû une piété qui n’était pas une manœuvre. Maintenant mes croyances ne sont plus : mais leur poésie me reste… J’ai bien souffert de ma négligence à parler de vos œuvres… Le ciel de notre pays… les grèves de notre océan, me rendront peut-être quelque force. Alors j’écrirais là ce que j’aurai senti et pensé. Cela n’est de rien pour les lecteurs du Globe, qui n’en sont pas à apprendre à vous admirer, mais c’est pour moi un besoin de cœur… Ce soir à six heures je courrai sur la route de Bretagne : Combourg est dans ma pensée, et bien certainement j’y ferai un pèlerinage… »

A quoi répond Chateaubriand, dans une lettre étonnante dont voici reproduite la première page, évoquant sa jeunesse à Combourg, qui lui a inspiré les plus belles pages des Mémoires d’Outre-tombe, voyez :

CHATEAUBRIAND.jpg

                                                            Paris ce 30 mai 1827

J’ai souvent Monsieur cru mourir, et je vis, ce qui n’est pas grand’chose. Il en sera de même pour vous, Monsieur. Je suis chrétien, Monsieur, et très chrétien et je vous convertirai ; nous nous entendrons. Mes mémoires diront après moi ce que furent (car ils sont abattus) ces bois de Combourg que vous allez chercher. Vous verrez ce vieux château qui n’est pas intéressant pour moi, parce qu’il est gothique, mais parce qu’il est rempli des impressions de mon enfance et des souvenirs de ma jeunesse.
Pensez quelquefois à moi sur les grèves que j’ai tant parcourues, mais ne vous occupez de mes ouvrages qu’autant qu’ils ne fatigueront pas votre santé. Vous me survivrez de quelque quarantaine d’années. Je vous recommande alors ma mémoire comme je me confie aujourd’hui à votre amitié. 

Croyez, Monsieur, aux sentimens d’affection et de dévouement de votre sincère compatriote,

                                         François-René de Chateaubriand

** voir notes blog des 27/2 et 2/3.2015

22:04 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

Dialogue avec Jean Rousselot (suite)

Il m'a été demandé une suite à ce groupement de poèmes qu'hier je vous ai donné à lire ; celui-ci, pour terminer.

DE  PART  ET  D’AUTRE
                                                                                     

Demeurent ces humeurs de la lumière
que sont les grands dattiers du Sahel
et derrière les vantaux du Grand Portail
regarde comme le berger rassemble
ses bêtes en cercle il n’est que temps.


D’un horizon à l’autre la terre
figée éblouie change de peau
rejoint le feu ses milliers d’yeux
élargit sur le cadran stellaire
l’effrangement lent des tribus chamelières
les Sabria, les Ouled Yagoub, les Adhara –
qui migraient autrefois jusqu’à la proche Libye.


Et l’eau recueillie dans l’outre
aux reflets de chrome ouvre le sol
donne à la source l’envolée brève d’un pleur
avant les pistes plus au sud
les villages en terre tapis dans un repli du désert
et ses fragments cristallisés : ainsi de nous
qui traversons le paysage en le fractionnant
sans fin jusqu’à l’âme blanche de l’astre roi.

                                                                    Daniel Martinez

20:27 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

04/04/2015

Dialogue avec Jean Rousselot

Comme annoncé, voici à présent cinq poèmes (extraits d'un livre à paraître fin 2015, avec des photographies de Philippe Merlet) composés alors pour Jean Rousselot, parus in Diérèse. Seule la dédicace a été ici transformée comme de juste en : "in memoriam" :

LIGNE  APRÈS  LIGNE
                                          i.m. Jean Rousselot
                                                                                     

Dans l’atelier réunies des tisserandes
aux attentions d’apiculteurs :
d’amarante et de pourpre de gris acides
leur mémoire ouvre la voie
à l’intervalle lumineux
diffractant dans l’ombre d’or
l’absolue liberté de la couleur.


Les mots sont fluide argile à fleur de peau
l’échappée belle des mains qui parlent
des petits trésors sans prix d’une réalité
en attente de devenir
comme un chas laisserait filtrer le jour 
à la périphérie des choses.


Aux extrêmes de la pensée
qu’il faut traverser pour découvrir
l’avant et l’après réconciliés :
où le regard serait l’étoilement
d’une cartographie par chacun recomposée.

* *

LES  MOTS  PAUVRES

                                                                                   
Ici arraché au plateau algérien
là dans la quiétude frissonnante
de l’herbe noire hirsute
le flou clapotis de l’oued Medjerda
au petit galop de ses brèves cavales.


Halos du renouvellement
calme parfait du delta où se laissent pressentir
les excédant de toutes parts
le souffle la respiration
conscience de l’horizon
jusques aux toits de tuiles que les Maures
chassés d’Espagne élevèrent
sur la rive droite du fleuve
parmi les tribus pastorales.


Ah la figure encore captive
dont boucle la chevelure de marbre blanc
village où l’on honore un saint juif
au nom que chuchote la margelle
couronnant l’eau porte-parole de l’histoire.

* *

DE  L’INCERTITUDE

                                                                                     
Immenses champs d’oliviers qui semblent
vus de haut les caillots d’un songe.
Au ras des choses les murs effondrés
pour nous rappeler à d’autres reliefs


depuis le trou blanc de la carrière
jusqu’aux contreforts de la colline
où sur-le-champ se défait
un arc-en-ciel dans la transparence duquel
la poudre du jour retombe en innocence


Lent dépôt d’une sédimentation intérieure
ponctuée par le rythme approximatif des secondes
– cristaux de sucre sous les pas
brunes abeilles d’Hachichina.

* *

MURMURES  DU  LARGE

                                                                             
Entre le regard et son issue
un long ruban de flammes
ramifie la ruine d’un vieux pressoir
et ce qu’il tire encore du haut relief
laisse nue l’empreinte comme le plus intime


un simple prolongement de l’être
contre le blanc régnant
où la chaux des façades
réfléchirait les embruns de l’île
et de la plume au papier graverait en nous
l’empreinte de vagues ciselées.


Le geste sculpté de la terre
a ramené à elle un à un
les reflets d’or rose et rouge brique
des voiles initiales


alors le moindre bruit clapotis brasille
accompagne la stridulation des grillons
sa dolente mélancolie.

* *

EXTRAITS  DE  LA  LUMIÈRE
                                        

Le sol en filigrane à Douz où se découvrent
de petites pierres dressées
et le réseau d’images improvisées
à travers les feuillages
fourmille des routes possibles
le ciel et ses mouvements
en douceur hèlent les pas.


Dans cette sorte de vertige où l’homme
aux braises de l’ascèse tente de se recomposer
le corps présent et délesté
pied à pied brasse l’air alentour
face à son ombre fait silence :


une figure couchée puis une autre à deux pas
quand cents et cents sont celles-là
du cimetière des bédouins Mrazig
il est dans cette pauvreté un absolu
qu’incorporent les accidents de la topographie.


Des cactées par endroits forcent la jointure
plus loin que le poème chaque parcelle du vivant
intensifie le bleu du verbe à ton élan se mêle.

                                                                Daniel Martinez

N'hésitez pas à visionner l'ancien site de la revue et des éditions Les Deux-Siciles, où Jean Rousselot est présent, comme ses deux livres publiés aux Deux-Siciles : http://www.diereseetlesdeuxsiciles.com

Sur ce blog, vous pourrez utilement vous reporter à la lettre de Jean Rousselot suite à cette publication, en date du 18/10/99 (note du 29/9/2014). Sans oublier les notes des 9/9, 1/10/2014.

09:54 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)