05/06/2015
Louis-François Delisse
Louis-François Delisse, par Pacôme Yerma
Parfois, ses yeux se plissent, laissant deviner une douce sévérité et des préoccupations mystérieuses. Pressentiments, réminiscences ? Ces mystères sont sans patrie ni condition sociale. Néanmoins, quelque chose en lui d'obstinément russe.
Sa vision, en ce matin du 5 juin 2015 :
C'est avec des poignées de couleurs des myriades de poissons soulevés de mer.
Les barques se regroupent en un docile troupeau au petit matin après des transhumances nocturnes vers les crêtes de mer.
Le port est comme un enclos sécurisant sous un éternel été qui s'insère l'hiver dans les natures mortes, le portrait des mains siennes qui ont tant vécu et des poissons géants...
* *
Louis-François Delisse a confié des poèmes inédits à Diérèse, en ses numéros 27 & 28, voici quelques pages extraites du n° 28 :
Rubans du marin des sables (Maïné Soroa)
Jeanne
10.
Corps l'épave du marin
(calciné)
une fleur noie le marin
la rame rêve qui coule
11.
la fleur fut privée de la fleur
la marine du marin
- sur la lame
le sourire sèche
12.
Marin rame
sur l'osier des Pléïades
l'agneau de la lune
lui lèche les mains
13.
Récif de la fleur
vient la vague d'une étoile
embruns du ciel
la marée montante d'un enfant
Hélé d'étoiles
serrait ses seins
sur l'étoile sensible
s'aimant aimait
sa mère la mort aux mares
nu avec l'ardeur
de l'étoile sur les ongles
l'étincelant bruit du ciel
à la cime des dunes brûlées
le hélait
14.
Au petit bruit de tes seins
m'a donné le ciel tendu
tu es l'aube entre les nids
incendiés d'étoiles
une vie meut tes bras
(les brûlots de tes cils)
sur la natte de roseaux
héron pourpré
au taillis d'épines
fléché de ciel
me vient ton corps
15.
marin après la marine
une dune bouge
la mort avance et recule
Louis-François Delisse
14:10 Publié dans Auteurs, Diérèse | Lien permanent | Commentaires (0)
02/06/2015
Notes et contre-notes IV
Mirage – Dire est un concert d’ombres où leurs figures tues seules sont le vrai.
Le nerf – est un germe.
Les mots seuls – multiplient les actes ?
Verbes – Avoir ? Substance de toute l’horreur du monde. Etre ? Debout !
Ecrire – c’est ne jamais caresser l'espoir de finir d’écrire.
Zen zéro – Zéro est un cercle où s’abolissent les cimes de l’espace et du temps : chaque point du cercle en voit autant.
Folie – Ce qui fait la folie d’un homme n’est pas la distance entre ce qui est et ce qu’il voit, mais l’écart entre ce qui doit bien être et qui soi-disant n’est pas... Le fou se trouve, du côté du jardin de Dieu, au pied du mur qu’y a dressé l’homme.
Exérèse – De l’effroi est diffus en chaque nouvelle nécessité factice qu’ils créent. L’esprit est mobilisé et évacué par cet effroi contre du désir. Sa substance remplacée par un désir généralisé – de volume égal ou supérieur – et constitué de multiples infimes –, l’homme, plus que désir, est désarçonné, désarmé de tout maintenant où être, déraciné du champ même de la pensée.
La nuit monte – Soleil à notre hauteur, et que la mer mange... Et qui disparu, la nuit n’est pas venue ! – Il se couche, son or encore derrière, hors ses draps... Mais la voilà ! Et le noir à nos pupilles monte, comme la mémoire des feux nous passe.
Pesanteur – A ta capacité à résister correspondrait le volume de ta croix ? Oui. Et le fort l’a si légère que tous deux tombent.
Géhenne – Ecrire, car ce qui ne peut être dit ronge. Mais de ce qui reste à dire tout ne veut être écrit. Ainsi, intensément indicibles, des choses passeront en moi, indéfiniment orphelines d’autrui. C’est de ce savoir que le cœur me brûle. Et d’un feu pire que mentir : de celui qui t’épargne ce qu’il te manquera toujours de ce que je fus. Vers l’inconnu, l’inconnu va ; c’est aussi lui qu’il quitte.
Une forte illusion – Seule une extrême tension des nerfs porte cette intelligence au seuil de la vôtre. Mais à la première détente, s’abattent à l’unisson le corps et l’esprit.
Stéphane Bernard
& Des nouvelles de Diérèse 65 : il comptera 280 pages &
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01/06/2015
Notes et contre-notes, III
La conséquence – Cette ombre infinie de ton crépuscule, étique, et que tu crains, est celle du bâton que tu as levé en ton aube, et oublié.
Entrer – Regarde et pénètre, ou meurs dehors.
Sur le volet – Je me suis parfois menti plus authentiquement que je ne trie le grain de l’ivraie.
Chez-soi – On crée notre souffrance parce qu’elle est notre domaine.
Immortels – Les mots ne sont immortels que par ce fait qu’ils sont un rêve de la conscience.
L’épée dans l’eau – L’orgueil n’est un rempart qu’aux foudres qu’il attire.
Complément de vide – Mon désespoir sitôt aperçu dans la conscience lâche de sa demi-mesure s’accroit de ce qu’il manque à sa perfection. Le désespoir n’est plein que par l’ajout de sa détection à cet “extrait complet” de lui-même.
Le travail – La chance prend à ce qui vient, s’est retirée de ce qui reste.
Une langue barbare – Tu juges que la poésie passe bien après “sauver le monde”. Mais je déclare encore que c’est une seule et même chose. La poésie – en témoigne ma chair survivante, qui est tout ce que je suis et sais de l’âme – gracie l’homme. Et sans elle, je puis te l’assurer, n’aurait eu lieu cette occasion de reproche, où parce qu’elle existe, j’existe et la surclasse ? Pourtant je sais que tu le sais, qu’une main tendue modèle plus durablement qu’un poing tombé.
Stéphane Bernard
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