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15/06/2015

Pierre Oster

Vous avez été nombreux à m'en demander plus concernant Pierre Oster. Je vous donne donc à lire ce qu'il a pu écrire in Diérèse 48/49, printemps été 2010 (et en vous signalant que ce fameux numéro est toujours disponible à la rédaction pour le prix de 15€ port compris):

Les morts
(9/2/2010)


Au faite de pommiers que les bouquets du gui constellent,
Des reflets sur le corps de Vénus nous font sourire et
Nous enseignent ! Apprenons donc à prendre part à la parole des mares.
L'écho, l'écho,... l'écho sublime-t-il un son voluptueux ?
Vénus, devant l'ordre ancien... la nuit de toujours, la nature,
Consacre au soleil sa couronne. Les bouquets du pays du gui
De cime en cime s'illuminent. Le vent sous les bois chasse en meute
Et nous aimons de détailler ses exploits. Prudemment, rudement,
Je m'y exerce : quelle mission que d'être ensemble ! A trente, à cinquante,
A moins de cent mètres, une fosse. Chevaux, chevaux, je vous en-
Tretiendrai de nos amies les haies ! La campagne ineffable
Nous force à conter comment des liens nous attachent aux morts
Dans le mortier. Comment nous mesurons l'épaisseur des murs. Des ombres
Cernent la lune opaque. Nous éprouvons, nous prouvons que la mer
Dessine un parcours qui nous appartient. En baissant, son essence
Se change en présence. N'est-il pas clair que la vie a un
Visage ? C'est pourquoi j'exulte ! Et c'est pourquoi j'évoque
La montée de l'appel des cloches. Pourquoi je m'arroge le droit
De trahir, de rôder. De défendre à mon gré, d'illustrer la cause
Des choses, de rallier le parti du vainqueur... Le vent, le vent,
Le vent par à-coups nous exauce. Devant l'abri de barrières fragiles,
Le vent cherche un gîte et s'accorde à notre attente. Attente, mon objet.
Nous ambitionnons de paraître... et de disparaître : dans le lac de l'aube,
Dans l'étendue et dans les délices de la pluie, le monument
Des ténèbres... La nuit, selon moi, sourd et décroît. Mon âme
Le dispute à la plaine, le lui cède à peine. Un champ, nu, nu,
Face à la plage des astres ! De lucides rayons transmettent
Les dons que nous dénombrons... Naissance, entre le pont, le moulin, le bief,
D'une forme que j'anticipe à la façon des âges. Le soleil fend l'étoffe
Où s'enveloppent les oiseaux ! Qu'ils s'échappent ! Et qu'à mi-
Course ils se regroupent. Leurs danses à jamais nous consolent
Et nous désespèrent... Nous voici en train de perdre avec eux
La clarté, la limpidité d'un lent sommeil sans clé. Observe
Que l'avenir reconstruit des monticules de sable ! Privi-
Lège (le nuage immatériel l'accentue) d'avoir découvert dans l'herbe
La bonne lumière d'un port ! De pouvoir indiquer, pour les franchir,
De nouveaux, d'insondables détroits... Je vois que de petites barques
Brillent dans les chemins, dans les chambres marines, dans les vergers
Que l'automne ensemence... Rempart des nuances magiques,
Lit magnifique des géants. Il est permis parmi les arbres, il me sied
D'imaginer plus qu'une halte. Je m'approche et je palpe l'écorce. De l'épaule,
Je touche à la mince charpente... Je me souviens, non pas trop tard,
Que chaque phrase a son terme. Je comprends, je pratique et je forge
Un art comparable aux accidents du rivage. D'autres reflets
Ruissellent où la rosée étincelle. Le vent nous entoure, nous quitte
Qui nous avait promis de persévérer dans l'aventure ! Demande-t-on
De la sorte, nous impose-t-on, dans un foyer parfait, de rendre un culte
Au sol, au soleil solitaire et au sol ?...

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

                                                                        Pierre Oster

17:08 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

07/06/2015

"Le corps du sable", Fabio Scotto, éd. L'Amourier, 2006

... i nostri passi poi
sul vento
come per incanto
alzarci

        Fabio Scotto

... et voici que nos pas
sur le vent
comme par enchantement
s'élèvent

               trad. Claude Held

Fabio Scotto a été publié in Diérèse

12:05 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

06/06/2015

"Un dimanche après-midi dans la tête", de Jean-Michel Maulpoix, éd. Mercure de France

Où se situe la frontière entre une certaine écriture narrative poétique et la poésie en prose ? ce vieux débat, des écrivains comme Christian Bobin ou Jean-Claude Pirotte l'ont résolu à leur manière, chacun dans un registre singulier. Jean-Michel Maulpoix, lui, qu'il use de l'une ou de l'autre de ces formes, est et reste avant tout poète, un poète dont l'oeuvre déjà importante mêle au moyen d'une écriture sensible, musicale, d'un lyrisme admirablement contenu, poésie et prose.

Dans Un dimanche après-midi dans la tête, version recomposée d'un livre paru en 1984, Jean-Michel Maulpoix nous apporte la preuve que, si le poète choisit une forme d'écriture plus proche de la nouvelle brève que du poème en prose, c'est encore de poésie qu'il s'agit, et de la plus belle facture.

On est loin dans ces pages du procédé prosodique qu'un Christian Bobin, sans doute victime de son succès, nous livre désormais avec une régularité prolixe. Ici, chaque vocable, chaque image, chaque pulsation d'une parole en étroite osmose avec le silence qui l'enchâsse obéit à une nécessité interne, l'auteur se méfiant comme de la peste de toute effusion lyrique.

Dans ce livre, une mémoire, remontant à la prime enfance, se déploie au rebours du temps traversé, où, selon la propre expression de l'auteur : "L'écriture pousse la porte des chambres du passé et invite tour à tour des silhouettes autrefois aimées, à présent anonymes, à partager son repas d'encre et de papier."

Dans ces pages innervées par un regard très proustien - notamment dans le texte évoquant la mort de la grand-mère : "Nous pleurons les morceaux invisibles de notre monde que la défunte emporte avec elle (...) Ces pas que je fais dans l'herbe, le dimanche matin, avant de retrouver un long après-midi de pages blanches, butent de plus en plus souvent contre l'évidence soudaine de la mort. J'accepte le patient travail d'écrire avec une tristesse résignée, de jour en jour plus familier de la fatalité, plus décharné déjà : l'encre est à tout jamais mon dernier territoire." - ; dans ces pages, et c'est l'auteur l'auteur lui-même qui l'écrit dans l'ultime phrase du livre : "Quelque chose se passe à quoi l'on se défend de croire : il serait dommage en cet instant de se laisser gagner par trop de paroles et de gâcher cette chance de verser un peu d'encre sur beaucoup de silence."

Que dire d'autre sinon que Jean-Michel Maulpoix est un de nos poètes importants et assurément l'un des plus originaux d'aujourd'hui.

                                                                      Bernard Mazo

13:11 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)