31/05/2015
Notes et contre-notes, II
Choc – Le malheur de la sphère : l’impossibilité, qu’attestent l’un et l’autre de ses résidents, de s’y fuir à l’extrême sans le terme d’une collision.
Ne pas tarir – Puise à d’autres tentations d’aimer l’aliment enrichi du présent amour.
L’ailleurs est dans le coin – L’ailleurs que tu ne cherches pas en toi ici se masquera peut-être du là-bas où tu te crois trouver.
Masque – Toute forme est une fiction. Il n’est que ce qu’elle contient.
Percée – L’âme fuit seulement à l’œil et dans le rire.
Zone – Il est une zone de haute sensibilité en deçà de laquelle tout sensible léger s’arrête. Et celui-là rit dehors de cet autre qui y pleure.
Sensibilté – Diamant brut où l’intelligence façonne sa clarté.
L’habit – L'une des formes qu'emprunte le Bien rédimerait peut-être la parfaite forme du Mal.
S’écarter – Dans l’idée du masque, ce qui me déplait n’est pas le masque mais l’idée. Ce n’est pas ce qui est fait ou dit sans véritable volonté d’être fait ou dit qui me cause grief, mais ce volontaire exil de ce qu’on nomme être.
Chaque seconde est un sacré bout de chemin – “Je ne pensais pas avoir la force de venir jusqu’ici. Qu’on me reprenne maintenant, rien ne m’enlèvera ce sourire, si je veux sourire. Il n’est pas de chair.”
Zéro & compagnie – Une présence n’est jamais égale à une autre – quand deux absences, elles, se valent.
Un langage – comme l’air, qui passe sur toute chose, entre les êtres, et glace ou brûle.
Le terrible – Le langage et nos sens couvrent Dieu comme la peau nous épargne la vue de nos tripes, sont le voile jeté sur le terrible.
Stéphane Bernard
11:37 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)
30/05/2015
Notes et contre-notes, à Martin Melkonian
Figure – Une figure au miroir entre celle de l’enfant infini et celle de son père plus achevée toujours.
Une chance – Le poème est un objet trouvé “perdu artificiellement sur ton chemin.” Il n’est jamais ta commande (n’est pas adressé).
Soigne l’uniforme – Cette lumière que tu forges à être et qui les éclaire sur toi-même est aussi ton bouclier. Plus uniforme est-elle, plus invincible il sera : tout dire castre la fable. Mais laisse leur une seule ombre, ils en feront une brèche, ou la ténèbre d’une épée tombante.
L’appui – Reviens sur tes pas et tends le pied à l’écueil que ton instinct éluda. Au lieu du problème il est une solution, le degré nécessaire au passage du suivant, plus haut qu’invisible, mais au-delà des yeux.
Résignation – Du moment qu’une chose m’apparaît irréalisable, son projet s’annule dans cette même seconde où son désir se serait assouvi. Le vide est de lui-même une matière pleine.
Dans l’étui – Ces choses du monde qui me font une figure de leurs ombres ne sont pourtant pas vues : mes yeux sont rentrés, rangés ; occupent, stupéfiés, l’étui kaléidoscopique du moi.
Luminaires – Cette lumière, lieu des yeux qui lisent, affaiblit ou renforce l’imprégnation aux lectures. Les caractères s’y détachent peu ou prou selon l’éclairage où elle nous tient. Une lampe, une météo, du feu d’un esprit règle la nuance.
L’éternel dupe – Que cette chose qui n’avait jamais été soit, convainque d’imaginer d’elle qu’elle a toujours été.
Les sans-purges – Les gens qui ne font pas de cauchemars m’effraient : ils vivent sans purges.
Qu’un temps – Passé ne sera toujours qu’état dégradé du présent gravé.
Capiteuses – Ces pensées trop fortes, gestes de l’esprit qu’une sommation de l’ivresse désarme et exile au soir, volontairement, se reforment et m’assiègent et piquent les bords de la chair, fébrile au matin. Dans cet état, plus sensible parce qu’exacerbé, enfin je les tolère et peux dire : l’alcool se retirant des liqueurs les assèche, à la langue leurs saveurs se fixent.
Stéphane Bernard
18:55 Publié dans Arts, Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)
27/05/2015
Margherita Guidacci (1921-1992)
Née à Florence en 1921, morte à Rome en 1992, Margherita Guidacci vivait à Rome où elle enseignait la littérature anglo-américaine. Elle est l'auteur des recueils suivants : La sabbia e l'angelo (1946), Giorno dei santi (1957), Paglia e polvere (1961), Poesie (1965), Un cammino incerto (1970), Neurosuite (1970), Terra senza orologi (1973)... Il buio e lo splendore (1989).
Dans une traduction de Bruno et Raymond Farina, ce poème est paru in Diérèse 43 (hiver 2008) :
Avec la carte du ciel hivernal, que tu as dessinée pour moi, avant
l'aube je sortirai, sur une place encore désertée
par les hommes, et je lèverai les yeux pour rencontrer
les voyageurs stellaires qui lentement se déplacent
autour du pôle de l'Ourse. Aux plus resplendissants
je demanderai : "Es-tu Rigel ? Bételgeuse ?
Ou Sirius ? Ou Capella ", gardant encore un doute
(si grande est mon inexpérience en dépit de ton aide)
sur la réponse. En même temps je penserai
à Saint Jean, puisque cette nuit sera celle de Dieu
après la nuit des sens et de l'âme, et les étoiles
reconnues ou inconnues, seront pour moi autant d'anges
dont le vol silencieux me mènera au jour.
Je penserai aussi à toi, toi qui d'un autre parallèle contemples,
également absorbé, le même firmament,
sentant comme moi le froid ambiant mais aussi ta flamme
[intérieure,
tandis que nos coeurs éloignés, encore prisonniers
du temps, le scandent à l'unisson.
Margherita Guidacci
15:36 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)