27/11/2019
"Nulle part", de Vincent Courtois, éd. du 6 rue Gryphe, juin 2018
Le monde est mis en scène par le mouvement
motorisé et, de l'extérieur, nous sommes
entr'aperçus, à peine reconnus et, dans cet écart
entre le visible et l'invisible, nous sommes
menaçants, le regard aussi froid et dur que
l'enveloppe qui nous contient.
Les vitres, dans lesquelles se brouillent les reflets
des passants, se lèvent et se baissent lentement
mais automatiquement. Elles cachent nos
intentions, les offrent tout à coup au regard dans
un léger gazouillement électrique. Nous sommes
dans le jouet, un jouet sérieux, technologique.
Une musique jaillit d'enceintes invisibles et
semble se mélanger à l'air climatisé : on a
l'impression de respirer le son ou d'être rafraîchi
par l'échantillon sonore d'un glaçon qui tombe
dans un verre.
Vincent Courtois
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26/11/2019
"Ce lieu que les pierres regardent", de Jean-Louis Giovannoni, éd. Lettres Vives, novembre 1984
Tu bouges
et tout respire
dans ce seul instant
Le lointain
n'est jamais après l'horizon
il est au dedans du corps
le corps lui-même
On court
pour essayer de se franchir
dans son propre pas
Tes pas n'ont pour terre
que le corps qui les porte
Nous ne voyons
en fait
que ce qui peut nous être retiré
On croit faire route
et c'est son corps
qu'on élève à la grandeur d'un chemin
à la grandeur de l'espace
Jean-Louis Giovannoni
10:48 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)
25/11/2019
"Extérieur, nuit", de Jacques Bral, 1980
On sait que Jacques Bral est né à Téhéran et qu'il regagné la France en à l'âge de 18 ans, qu'il est cinéaste, avec à son actif une douzaine de films ; on sait moins qu'il est aussi plasticien... Son premier long métrage est "Extérieur, nuit", qui a obtenu le Prix Perspectives du cinéma français à Cannes et le Léopard de bronze à Locarno. Un film restauré il y a tout juste dix ans et que j'avais découvert à sa sortie, dans une salle de cinéma art et essai du Quartier latin. Voici ce qu'en a dit Jacques Morice :
*
On est en 1978. Amer anniversaire : dix ans après Mai 68, il ne reste pas grand chose, sinon un sentiment de vague à l'âme. A l'élan collectif succède la dérive en solitaire. Jacques Bral filme dans la capitale la balade de trois orphelins. Léo (Gérard Lanvin), beau mec ombrageux qui joue du sax, s'incruste chez Bony (André Dussolier), un vieux pote rêveur qui rêve sans écrire. Les deux se sont connus sur les barricades. Maintenant, ils glandent, picolent pas mal. Sur leur chemin, ils croisent Cora (Christine Boisson), jeune chauffeur de taxi, amazone insaisissable qui braque parfois ses clients. Son utopie à elle, c'est l'Argentine, qu'elle voudrait rejoindre.
Un ton libre, une musique bluesy-jazzy mâtinée de tango, une atmosphère nébuleuse : voilà ce qui fit le prix d'Extérieur, nuit lors de sa sortie, en 1980, où l'on attendait un nouveau souffle de cinéma. Jacques Bral, grand sentimental, auteur secret (Polar, Un Printemps à Paris), mettait du baume au cœur des cinéphiles avec ce film pourtant traversé par le froid de l'hiver. Aujourd'hui, ses dialogues en suspens et ses dérobades incessantes paraissent un peu forcés. Mais on aime toujours sa vision de la nuit. Bral montre un Paris différent, tantôt chaleureux, tantôt fantomatique, du côté des 19e et 20e arrondissements. De la piaule aux troquets fréquentés par les immigrés, des boulevards de ceinture mouillés à une cave de château, le film furète. André Dussolier y cultive avec brio l'art du décalage, tandis que Gérard Lanvin séduit à l'instinct. Et puis il y a la révélation Christine Boisson, garçonne sexy, démarche d'effrontée, et un atout unique : cette tache mystérieuse tout près de sa pupille droite.
Jacques Morice
Christine Boisson in Extérieur, nuit
07:04 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0)