12/09/2021
"Danubiennes - douze voix féminines de la poésie slovaque contemporaine", traduction et adaptation : Jeanine Baude et Miroslava Vallová, éditions Pétra, février 2019, 258 pages, 19 €
Iseult : les lettres, les rêves à Tristan
Je pleurerai ton
nom : dents dures
broyant la nuit épaisse, plumage vierge
écailles : cœur
broyé ? dans le noir de la nuit, je gémirai ton nom :
comme si tu étais couché ici, en moi, unique
et vrai et sali par le sang,
Tristan :
il y a deux semaines déjà, un rêve peut-être ? Nue
la neige pressée sur mon pubis je la jette
rouge de sang : éclaneige
Tristan
C'est inapaisable
en moi :
en toi : cette veine cet
arc-en-ciel explosé
les rêves ont-ils bougé ? l'enfant à venir, le feu follet ?
: la faim : de
qui : la famine : ils ne m'ont pas versé
de vin : ils ne m'ont pas appelée :
la treizième, celle qui a des ailes :
je ne gêne
ni ne manque
à qui : à travers les treize murs, les treize
rivières : vivante ? les rêves
qui martyrisent, s'enchaînent, la neige amère changée
en rubis
ou bien l'été :
le manque : le matin :
humide
vide
mûr : le matin
au bord peut-être d'un rêve
fou : peut-être le tien : le ciel lacéré,
nous sommes étripés comme animaux
du sacrifice : nos entrailles sorties : sacrifiée : sacrifié :
sur l'autel de quel dieu immuable : et ancien :
après : le rêve : le pubis dévoilé ? le pubis de porcelaine
celui d'une poupée, sa peau translucide, vide :
je suis ?
Anna Ondrejková
15:00 Publié dans Auteurs, Traducteurs | Lien permanent | Commentaires (0)
10/09/2021
"Je hurle mais tu n'entends pas" : le dimanche 19 septembre à 19 heures, lecture de poésie féminine afghane à la Maison de la poésie de Paris
Maud Thiria, qui a participé au numéro 68 de Diérèse (juillet 2016) vous écris aujourd’hui pour vous informer de la lecture mise en place par ses soins le dimanche 19 septembre à 17h à la Maison de la poésie de Paris, ce "afin de soutenir les femmes afghanes face aux événements actuels et combattre contre le silence avec nos armes que sont nos mots de femmes poètes. Une vingtaines de femmes poètes françaises ont répondu présentes et formeront comme un chœur autour de deux femmes afghanes qui liront en dari et un peu en pashtou accompagnées d’un joueur de rubab, instrument afghan d’une rare puissance mélodique.
Si jamais l’événement vous intéresse, je vous laisse le lien ci-dessous pour vous présenter le programme et vous inviter à prendre des places rapidement comme Laure Adler a présenté la lecture lors de son émission L’Heure bleue sur France Inter mardi 7 pour une spéciale Afghanistan."
Pour mémoire, dans le numéro 66 de Diérèse (décembre 2012), Laurent Dessart a effectué des traductions inédites de poésie féminine afghane (en pashtou), présentées et calligraphiées par ses soins, de belle manière (pages 117 à 132). Voici :
1) O bazar de Peshawar !, deviens [un champ de] fleur[-s] !
Mon aimé, en toi, passe nuits et jours
2) Que Dieu fasse fleur des berges de la rivière !
Sous prétexte d'aller chercher de l'eau, je viendrais à toi pour te humer
3) Par-dessus toutes les fleurs, je suis belle
N'apporte pas de bouquet, mon amour !
4) Je construirai une maison au milieu d'un désert inhospitalier
Comment la séparation trouverait-elle le chemin de la lande sauvage ?
5) Comme la fleur de tournesol tu es penchée [de côté]
Avant que tu ne te redresses, avant que tu ne te reprennes vers moi, la moitié du jour sera écoulée
6) Arrête les études et les écritures ! N'avance plus !
Les peines de cœur de l'aimée enflent indéfiniment
7) Le rosier qui a été taillé repart de plus belle
Le cœur qui a été blessé se meurt toute sa vie durant
8) Les fleurs naissent et sortent de terre
Mon bien-aimé, suprêmement délicat, pénètre [les profondeurs de] la terre
9) Ne cachez pas ma tombe, eh !, vous les gens !
Comme ça, si une connaissance vient, je pourrai lui jeter un dernier regard
10) Laylâ enivrée se promène dans le jardin
Dépourvue de voile elle dissimule sa face avec des feuilles
11) Ne dis pas à Kaboul : "Sois détruite !"
A Kaboul sont venues des fleurs de tous les pays
12) La jarre sur la tête et la fleur à la main
Debout et immobile, j'attends ta venue
13) Kaboul n'est-il pas le siège d'un empire ?
Mon amant habite à Kaboul, qu'il soit empereur ! *
14) Mon ami dort au milieu des fleurs
Moi je ferai pleuvoir la rosée de belles bouches (aux) blanches (dents)
15) Qu'au sommet de la montagne le dragon te dévore !
Je ferai monter vers toi des files et des files de guérisseurs
16) L'aimé ne se saisit pas de la rose dans ma main
Je lui envoie les étoiles du ciel en assemblée !
traduction et notes de Laurent Dessart
________
* Défi iconoclaste au principe de la royauté pour la gloire de l'amant, tout comme, dans le premier poème, il était demandé au bazar de Peshawar que pour le même, il se couvre de fleurs.
22:43 Publié dans Actualités | Lien permanent | Commentaires (0)
09/09/2021
"Diérèse" 62, mars 2014, 306 pages : une couverture de Pacôme Yerma
Ces couvertures de longue haleine qui font l'histoire de Diérèse, et sur lesquelles j'aime à me pencher, au fil du temps. Ici, la première du numéro 62, où quatre noms s'inscrivent, qui sont le fruit d'émotions concertées, concertantes.
... Et puis, ce n'est pas seulement l'automne "malade et adoré" que rappelle cette couverture, c'est aussi et surtout, emporté par l'hiver qui l'a laissé paraître, le temps que les mots, les vies cristallisent à mesure. Qu'il me soit permis de me reporter au célèbre poète de la dynastie Song, Su Dongpo, ce qu'il écrivit à son frère, en des temps reculés, chemin faisant :
1061, au monastère de Mian-chi
La vie humaine, partout la même, n’est-ce pas ? À quoi la comparer ?
Au vol du cygne qui se pose, sur la neige, la boue :
Dans la boue, au hasard, les empreintes de ses pattes.
Le cygne s’est envolé, comment savoir où ?
Le vieux moine est mort, la pagode est neuve,
L’ancien mur, délabré ; nos anciennes inscriptions, illisibles…
Quelle pénible ascension, tu te souviens !
C’était long, nous étions épuisés et l’âne boiteux en train de braire
Su Dongpo
02:38 Publié dans Diérèse 62 | Lien permanent | Commentaires (0)