24/11/2020
"Ou vitesse", de Bernard Vargaftig, André Dimanche éditeur, 10/3/1991, 104 pages
Rien que les fougères
Un oiseau la lisière
Le ciel voici
Le taillis devant l'aube
Quel frémissement
Jamais ne fuyait
Arbuste pierre
Où les prairies regardent
Poussière et dune
Le désir plus terrible
Encore
L'oubli dans la lumière
Encore un bond
Ce serait autrefois
Comme sur la pente
La barrière est muette
Bernard Vargaftig
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22/11/2020
Montaigne : "Journal du voyage en Italie, par la Suisse & l'Allemagne, en 1580 & 1581"
Un manuscrit retrouvé par hasard dans un coffre du château de Montaigne, deux siècles après sa mort (1592), par l'abbé Prunis - manuscrit aujourd'hui perdu - permit l'édition de ce livre. La première partie en avait été rédigée par un secrétaire, sous la dictée, la seconde par Montaigne lui-même (en français et en italien). Le texte fut édité en 1774 par Anne-Gabriel Meusnier de Querlon en deux formats différents, d'abord en deux petits volumes in-12 puis au grand format in-4. Saint-Aubin réalisa un beau portrait-frontispice de l'auteur.
On a dit de Montaigne qu'il avait inventé le tourisme. Les voyages dans l'Italie du XVIe siècle étaient assurément nombreux mais entrepris à des fins précises par les marchands, les universitaires, les diplomates, les humanistes, les pèlerins, et suivant des itinéraires aussi directs que possible. Montaigne, bien que sous le prétexte de cures médicales, allait inaugurer une nouvelle conception du voyage : peu lui importait de voir ce que les autres avaient vu ou de vérifier l'exactitude de leurs rapports, il n'avait souci - comme plus tard Stendhal - que de dire non pas ce qu'étaient les choses, mais les sensations qu'elles suscitaient en lui. Pour lui voyager était en soi un plaisir.
Le Journal est le fruit de cet "art de voyager" que Montaigne conçut à son égotiste usage - un art qui lui permit de tirer tout le parti possible de son périple pour s'informer directement des "humeurs" étrangères et "frotter et limer [sa] cervelle contre celle d'autruy". C'étaient les rencontres qui faisaient le plus vif agrément qu'un homme tel que lui, avide de "communication", trouvait dans le voyage. Montaigne appréciait les "cognoissances toutes neufves", et préférait les amitiés nouées par choix, que permet le voyage, aux amitiés banales, nées du voisinage ou de la parenté. Le sens de la relativité se développe par les rencontres des personnes mais aussi des lieux. "Un voyageur note les différences", dirait Stendhal. Ces différences, Montaigne les recherchait, comparant sans cesse villes, paysages, climats, coutumes - y découvrant des similitudes, parfois ; s'émerveillant le plus souvent de leur diversité. Cela sans d'ailleurs juger ni blâmer jamais, et toujours prêt à rectifier son impression première.
Ce voyage en Italie devait profondément marquer la sensibilité de Montaigne. Son influence serait décisive sur le troisième livre des Essais. La diversité des milieux, la variété des coutumes avaient accru son sens de la relativité, en même temps que celui de la nature humaine au travers de la différence des usages et des comportements. Paul Faure, commentateur du texte en 1948, écrirait qu'il s'agit d'"un essai plus vrai que les Essais". DM
Gravure pour l'édition des Essais de 1772
22:10 Publié dans Critiques | Lien permanent | Commentaires (0)
"L'envol de l'année", poèmes de Michel Butor, peintures de Jean-Marc Brunet, éditions A/B, 40 pages, 20/12/2014
Souterrainement les racines
préparent leurs bourgeons gluants
pour en écarter les écailles
et lancer des tiges courbées
par le vent qui vient des frontières
avec des rafales de pluie
renouvelant la garde-robe
du paysage s'ébrouant
Une génération d'oiseaux
cherche des graines et des vers
puis ce sont les chants amoureux
quand la Lune égrène ses phrases
les vergers se couvrent de fleurs
le chant du rossignol prolonge
les renouvellements du jour
dans l'archipel des crépuscules
Michel Butor
11:18 Publié dans Arts, Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)