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15/12/2020

« Le diable ermite – Lettres à Jean Chalon (1968-1971) », éditions de La Différence, mars 2002, 256 pages, 18 €

Hospice de Domme, 24

Le 21 décembre 1969

    Cher Jean Chalon,

    Ai-je gardé un trop long silence ? T’ai-je remercié de l’argent que tu m’as envoyé, il y a quelques semaines ? T’ai-je dit à quel point ma pensée allait vers toi, bien fraternelle, particulièrement à l’occasion de ta convalescence ?
    Je n’en sais rien. C’est triste à dire, mais c’est ainsi ! Depuis novembre j’ai pris mes quartiers d’hiver à l’hospice, et la vie qui est maintenant la mienne est infernale au point que la notion de temps, que j’avais déjà tendance à perdre cet été, est en voie de totale destruction. Rassure-toi : je ne vais pas sombrer dans la folie car j’ai, Dieu merci, la tête solide, mais enfin… je suis en sommeil, absent, une forte grippe, qui ne s’achève pas, n’arrangeant rien !
    Tout me tombe dessus : la direction de l’établissement, les gendarmes, les Services sociaux : paraît-il, j’ai été très surveillé tout l’été, je sautais le mur, et passais la nuit dehors ; mon comportement « étrange », mes longues méditations dans une caverne ont scandalisé la population. D’instinct, je me sentais surveillé : on ne me reproche rien, mais je suis suspect de tout !
    Là-dessus, on va m’envoyer à l’hôpital pour un examen cardiologique, vers le premier de l’an : ce sera gai.
    Vais-je même pouvoir rester à l’hospice de Domme ? Ce n’est pas certain. Si encore j’avais un bon médecin, rassurant de son mieux l’émotif que je suis ; mais le cardiologue de Périgueux est une brute qui prend plaisir à m’inquiéter, un type commun, vulgaire, qui voit en moi un aristocrate… ! Il est certain que j’ai mené une vie très libre… cet été ; on me le fait payer cher. Ce ne sont qu’engueulades, insultes ! Le tout mêlé aux hurlements des fous, et aux féroces querelles entre compagnons de chambre !
    J’ai préféré me mettre « en absence », en attendant les beaux jours. De là, mes silences, qui désolent et inquiètent mes amis, dont tu es le plus dévoué.
    Cela m’a fait du bien de te confier mes peines ; tu es mon ami ! Quant à toi, j’espère que ta petite opération n’est plus qu’un mauvais souvenir. Il faut me parler de toi et me donner de tes nouvelles.

*

    J’ai reçu les épreuves de Un voyage au mont Athos. Peu de fautes ou de phrases oubliées, mais une déplorable manie d’écrire Montagne Sainte, Baie des Taureaux, Jungle aux serpents…, tous ces beaux noms propres…, sans majuscule ; alors qu’ils ont des majuscules dans le manuscrit ! Tu le sais aussi bien que moi : voir le texte imprimé… permet de le voir vraiment, pour la première fois. Sur les 23 premières pages mon impression a été très réservée, pas très favorable ; mais, plus loin, « un charme » opère ; il y a envoûtement ; ça devient très beau. Cela dit, Un voyage au mont Athos est un texte mystérieux, symbolique. Ma prière d’insérer, que tu as jugée « parfaite », est indispensable. Sans quoi, les lecteurs ne comprendront rien à ce texte magique, à ce voyage au Pays des Esprits.
    Lalou sera, je l’espère, de notre avis !
    Pardonne-moi mon silence.
         
Je t’embrasse. Bon Noël.

                                 Augiéras

14/12/2020

"Ingrès", poème avec 2 apostilles de Jean-Clarence Lambert ; gravures, peintures et dessins de Jean-Marc Brunet, éditions A/B, 20/12/2015

Or voici l'or à découvert
     son trésor errant d'une orée à l'autre
          et forêt forêt forêt !
     exigeante limite à l'abîme de mai


Ne décourageons pas nos cimes dormantes
     vicissitude des statues à la dérive
          énigme souhaitée/redoutée
     miroir inassouvi de ce qui fut demain
fenêtre grand ouverte sur les constellations :
     ce siècle-ci farouche à quatre hontes...

 

Quelles nouvelles de l'âme
     reconnues par l'espoir
          non ! l'inespoir
rumeurs pourpres
intimations du feuillage


Habile à dénouer les rumeurs d'attente
     l'orage est à notre portée :
          faisons l'orage !


 Jean-Clarence Lambert

06:59 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

13/12/2020

"Akal mein saras : kavitaem, 1983-87" : "Grues dans la sécheresse : Poèmes, 1983-87", de Kedarnath Singh, éditions Rajkamal, 1990

Né en 1934 dans l’Uttar Pradesh (Nord de l’Inde), Kedarnath Singh est l’une des grandes voix de la poésie contemporaine de langue hindi. Son œuvre, riche de douze recueils de poèmes, se caractérise par sa tonalité intimiste. Cet ancien professeur de l’université Jawaharlal Nehru de New Delhi a reçu le Sahitya Akademi Award en 1989, le prestigieux prix de l’Académie indienne des lettres pour Akal mein saras (Grues dans la sécheresse), dont est extrait ce poème. À ce jour, son œuvre n’est pas traduite en français. Ce poète, doublé d'un critique, est mort à New Delhi en 2018.

ANNA

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VIENS

          Viens
          Si tu trouves le temps
          Et si tu ne trouves pas le temps
          Viens quand même

          Viens
          Comme dans les mains
          Jaillit la force
          Comme dans les artères
          Coule le sang
          Comme les flammes douces
          Dans l’âtre
          Viens  

          Viens comme après la pluie
          A l’acacia poussent
          De tendres épines
 
          Jours
          Envolés
          Promesses
          Évanouies
          Viens

          Viens comme après le mardi
          Arrive le mercredi

Kedarnath Singh
Traduit par Ingrid Therwath