241158

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

13/12/2020

"Tenir debout dans le grand silence", de Michaël Glück, éditions La passe du vent, octobre 2020, 208 pages, 15 €

16 février


dans les crues du silence
les mots sont retenus
images images

dans la nasse des images les mots ne chantent pas encore

cela viendra

peut-être


* * *


avec bruissements
bourgeons et chants d'oiseaux
lumières


* * *


entre ciel et terre le vent
fléchit les fûts des peupliers

archer de l'invisible il lance
ses traits volées d'oiseaux

 

Michaël Glück

03:51 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

12/12/2020

Poésie tibétaine : Ljang Bu, "Le gzi aux neuf yeux", 2001

Le gzi est une pierre de forme allongée, noire avec une tache blanche, qui évoque un œil et sa pupille, en son milieu. Cette pierre, parfois assimilée à l'agate, est très précieuse et les Tibétains considèrent qu'elle est particulière au Tibet. Le poète Ljang Bu a composé une série de huit poèmes intitulé Gzi, intégrés à son recueil inédit en français Gzi mig dgu ma, Le gzi aux neuf yeux, paru en 2001 et épuisé au Tibet.

Ljang Bu associe le sort du Tibet à la pierre gzi, essence de la civilisation tibétaine, que les marchands achètent et vendent sans état d'âme ni sens de la sacralité. Hommage lui soit ici rendu, écoutez-le :

Quatre gzi

          Gzi 1

La chair et le sang sont épuisés       Le squelette est détruit
Le temps a avalé la tête
J'ai vomi encore au creux de la main d'un marchand
Et à cet instant, un globe oculaire, tout seul       Tel un orphelin énigmatique
Tremblote, isolément       Une civilisation
Tremblote au cœur des malversations, faiblement

             Dans le train, le 20 février 2000

 

          Gzi 2

Je suis le cœur d'un peuple
Et une relique issue d'une crémation

La puissance du soleil soutenu pendant mille ans
Mais depuis aujourd'hui, je suis une larme versée

Je suis un œil       Je suis la signification originelle et inaltérée
Fruit du polissage de chaque perle
Perle des mots qui sortent de la bouche

             Dans le train, le 20 février 2000

 

           Gzi 5

Un objet dur où s'affûtent lames et haches
Une histoire qui s'embellit à mesure qu'elle s'use
Source de tout, miroir       Et œil
La plus précieuse des parures pour les Tibétains

             18 septembre 2001

 

           Gzi 8

L'instrument de la vue
Est devenu aveugle
Puis a été réduit à l'objet du regard
Où alternent blanc et noir

                          Ljang Bu

             Traduction de Françoise Robin en collaboration avec l'auteur


Souvenir : au départ de Francfort, nous étions arrivés à Stuttgart, par train, de nuit. Et, sur l'artère principale (il y faisait froid, si froid) arrêtés devant un groupe de musiciens tibétains qui chantaient, flûtaient au beau milieu de la foule attroupée là. Plus rien alors qui aurait pu nous rappeler de quelque manière l'hiver, seul quelque chose comme le souffle des sphères, à cet instant descendu jusqu'à nous. Ces rares moments d'éternité que brasse une vie, que nous revoyons sans doute une dernière fois en accéléré, au moment du passage de l'autre côté du miroir.  DM

06:03 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

11/12/2020

La tour de William Thomas Beckford (1760-1844), à Bath (Angleterre)

Connaissez-vous "la tour du Savoir et du Rêve" ou Lansdown Tower, dont la construction fut achevée en 1827, bâtie sur les hauteurs de la ville d'eau anglaise de Bath, en bordure d'un cimetière victorien ? Elle appartenait à l'extraordinaire collectionneur, romancier et critique que fut William Thomas Beckford qui écrivit en 1782, en français je vous prie : Vathek, conte arabe (réédité chez Libretto, sept. 2017, 130 pages). Dans son fertile imaginaire, William B. dédiait Lansdown Tower à un calife désireux de pénétrer les secrets du Ciel, mais elle fut aussi construite pour lui servir de mausolée, le moment venu... Au vrai, une simple tombe en granit rose, érigée sur un tertre dans le petit cimetière voisin, protège le repos de celui qui voulut, comme le fameux calife, être enterré dans le ciel.

Pour le collectionneur (qui avait acquis et entreposé là des œuvres de Raphaël et de Titien, des Rembrandt et des Vélasquez, des meubles de Boulle et de Riesener, des pièces d'orfèvrerie baroque, des objets orientaux ou médiévaux que se partagent à présent les plus grands musées du monde ; sans compter une bibliothèque composée de milliers de volumes) ce n'était qu'un lieu où vivre l'écart absolu. Un escalier de 156 marches en spirale mène au belvédère pour admirer une campagne vallonnée que Beckford jugeait "le plus beau paysage d'Europe".

Deux kilomètres plus bas, sur Lansdown Crescent, l'une des places en demi-lune de Bath, se trouvait la maison de ville de William Thomas Beckford. Il acquit peu à peu toutes les terres s'étendant entre ses deux résidences, y aménageant une série de jardins dans lesquels il fit planter, dit-on, 200 000 arbres.
Stéphane Mallarmé écrira plus tard, dans sa préface à la réédition de Vathek : "L'histoire du calife Vathek commence au faîte d'une tour d'où se lit le firmament, pour finir en bas dans un souterrain enchanté ; tout le laps de tableaux graves ou riants et de prodiges séparent ces deux extrêmes".