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28/12/2019

"Précis de l’hors rien, un petit opéra muet pour les poules, les astres et les océans", de Matthieu Messagier, illustrations de Simon Messagier, Fata Morgana, 2001.

On ne présente plus Matthieu Messagier, né en 1949 - qui a publié quelque 24 pages inédites de son Journal : "Les arts blancs de la varicelle (Débris d'un journal éperdu) in Diérèse 64. Éloigné des grandes structures éditoriales, son abondante bibliographie illustre une vie entière dédiée à la Poésie, sans souci trop marqué de reconnaissance par ses pairs ni d'alimenter le dépôt légal (pas plus que de s'enfler d'illusions de grandeur). Faisant sienne la remarque de Thomas Mann : "L'art ne constitue pas une puissance, il n'est qu'une consolation." La Fée Morgane, plus d'une fois et à juste raison, lui a ouvert ses portes, voici un extrait de son "Précis de l'hors-rien..." :

 

The Park Lane Hotel
Piccadilly
London England


Il n'est à peu près qu'une seule chose dont je sois réellement fier : avoir sacrifié mon pauvre talent sur l'autel de l'oisiveté. Combien de fois, pour prendre exemple, ai-je sciemment refusé de me relever la nuit pour noter des pages entières qui me venaient de loin et qui sont plus exactes au sens de la constellation d'un merisier en armes et en paix repues.


Il ne sert de rien d'être plus ou moins à force d'exagérations et d'immortalités individuelles hors de propos ; l'esprit se réduit en poudre, poudre de ses propre riens s'il ne sait pas les laisser filer comme les bouchons d'un filet de pêcheur mais se plaît à les empiler...


Par-dessus la ville un comble d'innocences au corps usé rapporte tout ce que j'ai écrit et son contraire.


* * *

 

Bolgatty Palace Hotel
Mulavukad P. O.

Cochin


Et d'ici aussi et d'ailleurs je verrai le Potala émerger des brillances d'une correspondance immémoriale oubliée des lobes - je verrai la maison de la révolution, la grande pelouse aux saris multicolores, le palais du gouverneur hollandais sur la Venise indienne et le consul alcoolisé qui étudiait la vie et les mœurs des geckos dans une forêt de marbres et de bois sculptés avec vue sur le bleu infini - du plus bel hôtel du monde à toi le double des sensations du Légia de Varsovie au cœur de la rue Picpus.

 

Matthieu Messagier

23:08 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

"Éclats de jours", de Patrick Henri Burgaud, imprimerie Joost van de Paverd à Velp, le 20 mai 1988

Un poète étonnant, doublé d'un linguiste, ex prof de français langue étrangère aux Pays Bas (1979-1992). Il a d'abord publié en revues, découvrez ci-dessous un poème extrait de son premier livre, imprimé à 400 exemplaires, entés de 13 illustrations originales de Christian Guichard : Éclats de jours (il est indiqué au colophon qu'il "n'a été soumis à aucun dépôt légal"). Il publiera sur papier jusqu'en 1995 avec : Animots (artisbook Avalon Pers). Sans être exhaustif, je citerai aussi Le Jour Dit (Jacques Morin, collection Polder, 1990), Jours de Loire (Interventions à Haute Voix, 1994). Je n'ai recensé que 7 livres imprimés à son actif. Dommage ! Il est à présent reconnu comme spécialiste de la poésie électronique. Autre monde. Daniel Martinez

* * *


mai 25 s.


SOPHIE


Pourquoi la sagesse est bleue :


Scarabée, planète proche, dos de ciel et
ventre du milieu des mondes parlants :


Lorsque le ciel est sage, de la pierre
qu'ils disaient la plus belle chose
et qui passait pour éloigner la misère,
prodigieux de hauteurs entassées,
son immobilité se multiplie
de transparences sereines.


La sagesse est bleue, violette presque
sur ses bords insondables.
Aucune soif ne s'y étanche, repos
qui ne se trouble elle est spectre
uniforme sans visions.


La mer est ressemblante,
de même nulle amplitude.
Elle grésille peut-être, la clarté la
dérange. Jeune encore et tranquille,
mâchant le même galet éloquent,
elle clapote en esprit sur les ocres,
les latérites douloureuses, les calcaires
crissants sous les fouets vifs
du dynamisme.


L'outremer illusionne, fosses abyssales,
poudre aux yeux qui fait les beaux plis
sur les carnations limoneuses.
Pulsation molle comme de part en part
le sang souillé remonte les veines.


Ou alors, imaginaire, plume d'un oiseau
si bleu qu'il retourne au bûcher, oiseau marin
sans doute qui jamais ne se pose,
caravane persane aux yeux clos.


Rien du vivant n'est bleu.

 

Patrick Henri Burgaud

08:24 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

27/12/2019

"L'émotion poétique", pour Bernard Noël

Les fidèles de Diérèse se souviennent des interventions régulières de Bernard Noël dans la revue. J'ai choisi pour vous aujourd'hui une lettre de l'auteur de La Face de silence adressée au regretté Jeanpyer Poëls, sur un papier à en-tête de l'université de Sousse, en Tunisie, à l'occasion d'un colloque ayant pour thème "L'émotion poétique" (ce, dans la ville même de mes études secondaires, où j'avais mes habitudes : cette avenue descendue maintes et maintes fois, le long des fortifications, qui menait au port, à la vie maritime, au miel de la saison blonde et musquée, au grand air, à la vastitude). Voici:

BERNARD Lettre Univ.jpg

25 mai 2011


Relu ta Fauvette dans sa forme imprimée, cher Jeanpyer, et toujours à la recherche du mot qui saisirait la qualité que je ressens. Il y a toujours des dents serrées dans tes vers, ou derrière, mais qui mâchonnent le rythme pour bientôt le développer, l'affirmer. J'aime cette contradiction entre des syllabes libres, libres et une précision qui les contraint, les précipite, souvent les choque. Résultat : un élan qui, retenu dans le texte, fuse dans le regard du lecteur et l'oblige à scander l'effort d'articuler, de comprendre. La langue n'a jamais été plus réelle, plus matérielle, toute secouée de brusques ruptures et d'allitérations. Ce vers : "ensorcelant le dessous du silence" m'a servi un moment de clé d'écoute des "mots de la conjugaison", mais ce choix a été contesté tout de suite par "sous les toits" avec son rythme bref dénonçant "les appeaux". Bref, je commence et recommence mais suis, à la fin, chassé des explications vers l'ouverture que, sans cesse, tu déchires en moi pour et par l'abandon au mouvement inventif.

Merci, je t'embrasse

Bernard