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08/12/2019

"Dal fondo delle campagne", de Mario Luzi, Einaudi 1965 (rééd. 1989)

La mort de la mère de Mario Luzi, survenue en 1959, jouera un rôle de premier plan dans la genèse de son recueil Du fond des campagnes. C'est l'occasion pour le poète de revenir sur ses années de jeunesse, avec des pièces d'un lyrisme plus marqué que celui de Pier Paolo Pasolini dont il ne partage pas toutes les convictions, les deux revuistes (au travers de "La Chimera" pour le premier, "Officina" pour le second) s'y opposant sur le thème de la crise du néo-réalisme. Voici :


Dalla torre


Questa terra grigia dal vento nei suoi dossi
nella sua galoppata verso il mare,
nella sua ressa d'armento sotto i gioghi
e i contrafortti dell'interno, vista
nel capogiro dagli spalti, fila
luce, fila anni luce misteriosi,
fila un solodestino in molte guise,
dice : "guardami, sono la tua stella"
e in quell'attimo punge più profonda
il cuore la spina della vita.
Questa terra toscana brulla e tersa
dove corre il pensiero di chi resta
o cresciuto da lei se ne allontana.


Tutti i miei più che quarant'anni sciamano
fuori del loro nido d'ape. Cercano
qui più che altrove il loro cibo, chiedono
di noi, di voi murati nella crosta
di questo corpo luminoso. E seguita,
seguita a pullulare morte e vita
tenera e ostile, chiara e inconoscibile.


Tanto afferra l'occhio da questa torre di vedetta.


Mario Luzi

*

De la tour


Cette terre grise lissée par le vent dans ses croupes,
dans son galop vers la mer,
dans sa ruée de troupeaux sous les dômes
et les contreforts de l'intérieur, vue
dans le vertige depuis les glacis, file
la lumière, file de mystérieuses années-lumière,
file un seul destin de multiple façons,
dit : "regarde-moi, je suis ton étoile"
et en cet instant s'enfonce plus profond
dans le cœur l'épine de la vie.
Cette terre toscane nue et pure
où court la pensée de celui qui reste
ou qui, issu d'elle, s'en éloigne.


Mes années, plus de quarante, essaiment toutes
hors de leur nid d'abeilles. Elles cherchent
ici plus qu'ailleurs leur pain, s'enquièrent
de nous, de vous murés dans la croûte
de ce corps lumineux. Et persiste,
persiste à pulluler la mort - la vie -
tendre et hostile, claire et inconnaissable.


Voilà ce que l’œil saisit de cette tour de guet.


trad. Philippe Renard & Bernard Simeone

Un dessin de Robert Roman

En manière d'hommage à celui qui a été mon premier éditeur, avec "N'être qu'une fois", paru aux éditions du Contentieux en 2001 : oui, "ce qui pousse d'arbre en arbre, les bouleaux s'en souviennent", des "Demoiselles de Wilko à l'odeur des lentisques", ce retour à pas de loup dans le passé-présent (l'aube du vingt-et-unième siècle), chemin faisant. Amitiés partagées, Daniel Martinez

 

Dessin Blog.png

09:45 Publié dans Dessins | Lien permanent | Commentaires (0)

07/12/2019

"metz in japan", de Alain Helissen & Jean-Pierre Verheggen, Voix éditions, Mas d'Avall, 66200 Elne, disponible chez l'auteur *

Avec l'humour présent dans les Greguerías de Ramón Gómez de la Serna : "Livre : mille-feuilles d'idées", on peut lire ici - dans ce recueil signé par Alain Helissen et Jean-Pierre Verheggen qui se présentait d'abord sous la forme d'un journal de grand format exposé en juin 2003 au Musée des Beaux-Arts de Metz - et redécouvrir, au risque de la littérature, ces petits riens qui fondent l'interactivité d'un discours organisé autour de jeux d'assonances et d'extensions de phonèmes où le mot directeur, le médium, est "Metz", pris comme nom commun.
Les auteurs, tout à leur ouvrage, font voyager le vocable de néologismes en "metzologismes" et remontent le courant des expressions, locutions, citations passées dans la langue (parlée) : "Ne tirez pas de plan sur la cometz / Cent fois sur le metzier / Remetztez votre ouvrage", pour mieux goûter à mesure chaque métamorphose.
A la lecture, ces "metztrapolations littéraires" agissent comme un acide en introduisant dans le mot choisi un élément étranger (un contrefacteur, d'où le titre du recueil). De bouche en bouche, et sans plus donner de la voix que nécessaire, parce qu'après tout l'impuissance est la matière même du discourir, du communiquer (autant que généralement du faire, mais ce n'est pas le propos). Sous la grande machine circulatoire et les mille canaux de la parole, c'est à un zapping constant que nous assistons, où la mise à l'épreuve des mots remaniés préside à l'écrit.
Lors même que "C'est le metz-disant qui généralement / Emporte le marché", on se gardera bien d'en tirer des conclusions hâtives, sachant que dans metz in japan l'on touche d'abord à l'euphonie, puis au hasard qui peut enlever à la vérité (une partie de) son fondement et changer les points de repère habituels.
Irréductible à la seule idée, parce qu'il développe le singulier. Parti-pris ludique donc, cherchant dans son vouloir-être ce qui dans la langue viendrait à le corroborer, et le plus antiphilosophique qui soit, à l'inverse de ce qu'entendait Derrida, pour qui "La philosophie consiste à rassurer les enfants. C'est-à-dire, comme on voudra, à les faire échapper à l'enfance, à oublier l'enfant...". Le lecteur est ici dans la (grande) enfance du verbe assumée pour telle, qui parle pour elle d'abord et sans jamais viser non plus le "metz plus ultra !", inaccessible, hors-sujet, à tous les sens du terme.

 

Daniel Martinez

* Alain Helissen, 16 allée de la Champagne, 72 540 Loué

07:52 Publié dans Critiques | Lien permanent | Commentaires (0)