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28/10/2020

"Obstinante" de Gérard Titus-Carmel, éditions Brandes, 18/7/1995, 545 ex, 46 pages, 12 €

"Au commencement, rien que cela : un chant nu, obstiné, jailli du plus lointain de la gorge, et dans la coque renflée de nos joues, un goût de sel et d'absence creusant plus encore l'obscurité de la bouche, puis, le goulot de l'ombre à peine franchi, cette voix soudain ralliée au vent se lançant au front régulier des vagues, se déchirant à leur crête et s'y pâmant, enfin, au seuil même de l'éblouissement, venant en retour fleurir nos tempes de sa splendide monotonie."

 

        Dans la coupelle de tes mains
        une cendre de mots encore
        tièdes de ta bouche


        et cela si près de ma bouche
        moi toujours penché
        à la verticale de tes paumes


        à mon tour me grisant les lèvres
        de leur fard      m'égarant
        dans le silence gagné
        à l'émiettement de
        ta voix

 

        comment alors
        répondre à ce défi
        les doigts crispés sur le rebord du monde


        observant brèche et frange
        à toute heure insomnieuse

 

        les paupières lourdes mais
        la mémoire alertée
        par le froissement de l'air


        chanter la profondeur des nuits
        ou souffler le jour
        dans la corne évidée d'un bouc


        et s'éraillant gorge et larynx
        au seul souci d'incommensurable
        solitude

 

Gérard Titus-Carmel

Gérard Titus-Carmel a réalisé la couverture de Diérèse 58 (automne-hiver 2012) et nous a offert à cette occasion des extraits de deux de ses livres (p. 17 à 115) : "Albâtre" ainsi que "Le Huitième pli ou le Travail de la Beauté", entés de 15 encres originales.

09:33 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

Journal du re-confinement I

Chers tous,

Il est temps de faire avec vous le point. Nous allons vers un re-confinement dit "adapté", avec les risques sociaux et économiques sous-jacents, mal mesurés par l'institutionnel. Le secteur culturel, qui reste de longue date le parent pauvre de notre budget, a été rudement mis à mal ces temps-ci par la suppression d'à peu près tous les salons et marchés prévus dans la capitale en septembre/octobre, côté Poésie en particulier : la dernière en date étant celle du Marché de la poésie, qui a vu ses subventions diminuer dans la foulée !... Est-il besoin de le préciser, l'iniquité étatique dans le domaine est patent. Faut-il pour autant baisser les bras ? Sans l'ombre d'une hésitation, je réponds : non.

De mon côté, je continuerai d'alimenter le blog régulièrement. Vous pourrez, pour celles et ceux qui le désirent, me suivre sur les terrains vastes de la poésie ou de la littérature. Je vous ai déjà, lors du premier confinement, livré quelques-uns des titres des livres qu'abrite ma bibliothèque ; je continuerai donc, sans coup férir. Je mettrai en pages dans le même temps le numéro 80 de Diérèse, et ce n'est pas une mince affaire, croyez-le bien.

Sachant que la vie est un bien précieux, mais que sans la liberté d'être, de partager et d'exprimer ses passions elle serait un vain mot. Ceci dit, politiser la chose ne m'intéresse guère ("on ne joue pas de piano à une vache", me disait, enfant, mon aïeul). Nous préférons, mon épouse et moi-même, faire œuvre utile et initier Gaëlle au solfège. Toutes affaires cessantes, ce sont nos actes et leur portée qui nous qualifient, dans le symbolique autant que dans l'événementiel. La création, et ce à quoi elle renvoie, est à ce prix.

Prenez soin de vous, et que vive la poésie, plus que jamais ! Amitiés partagées, Daniel Martinez

05:16 Publié dans Journal | Lien permanent | Commentaires (0)

25/10/2020

Hommage à Sandro Penna (1906-1976)

Né à Pérugia, il a vécu à Rome jusqu'à sa mort et fut considéré par Pasolini comme l'un des plus grands poètes italiens du vingtième siècle. Proche d'Umberto Saba, sa poésie demeure étrangère au courant hermétique. On citera de lui deux de ses livres traduits en français, ses Poésies (trad. Dominique Fernandez, éd. Grasset, 1999) et Une étrange joie de vivre (trad. de Jean-Noël Schifano et Dominique Fernandez, éd. Fata Morgana, 1979).
Des poèmes inédits de Sandro Penna ont également été traduits in Diérèse. Son traducteur fut : Laurent Chevalier qui nous a quittés (un hommage lui a été rendu in Diérèse 62).

 *

La vie c'est se souvenir d'un réveil
triste d'un train à l'aube, avoir vu
au loin la lumière diffuse : avoir senti
dans son corps rompu la pure
mélancolie de l'air piquant et âpre.

Mais se souvenir de la délivrance
soudaine est plus doux : un jeune matelot
près de moi : l'horizon
c'est le blanc de son uniforme. M'est étrangère
une mer toute fraîche de couleurs.

 * *

C'était l'aube sur les collines, et les animaux
rendaient à la terre les yeux clairs.
Je retournais à la maison de ma mère.
Le train brinquebalait mes bâillements
enfantins. Et le vent frais soufflait sur l'herbe.

Si haut et troublé, le paradis
le paradis de ma vie n'avait pas encore
changé. Mais l'hôte, confus à la terre, neuf,
cherchait déjà l'amour, agenouillé.

La prière se mêlait dans la maison fermée
à l'odeur des livres de classe.
Les cris joyeux des oiseaux flottaient le soir
dans mon ciel angoissé.

* *

Ils m'ont battu. A toi seul, enfant
Je saurais dire que rien, rien n'importe.

Mais je le dis à un reflet de lumière
qui me poursuit, me poursuit dans l'eau morte.

* *

Les portes du monde ne savent pas
qu'ailleurs la pluie les cherche.
Les cherche. Les cherche. Patiemment
la pluie se perd, elle revient. La lumière
ne sait rien de la pluie. La pluie
ne sait rien de la lumière. Les portes,
les portes du monde sont fermées :
clouées à la pluie,
clouées à la lumière.

* *


Les pins solitaires le long de la mer
abandonnée ne savent rien de mon amour.
Le vent les réveille, la pluie
c'est doucement un baiser, le grondement
lointain, le sommeil.
Mais les pins solitaires ne sauront jamais rien
de mon amour, jamais rien de ma joie.

Amour de la terre, joie sereine,
démesurée. Oh tu nous portes
Loin ! Jamais
les pins solitaires ne verront
- la pluie les caresse, le soleil les endort -
ma mort danser avec l'amour.

* *


Automne

Le vent t'a renvoyé un écho limpide
- touchant les sens - des choses que tu as vues
- confuses - durant le jour. Le soleil a paru
tu ne sais te défendre : un chrysanthème
un lac frissonnant et un mince alignement
d'arbres jaunes et verts sous le soleil.

Sandro Penna

trad. Laurent Chevalier