02/08/2019
Pierre Dhainaut
Un fidèle de Diérèse, Prix Apollinaire 2016, Pierre Dhainaut, dont voici un poème, publié dans le numéro 64 de la revue. Belle journée à tous. Amitiés partagées, Daniel Martinez
L'ERRE DU TEMPS
Les forêts, les falaises, le monde était le même,
l'essor, quand tu croyais en ces mots-là :
voir comme entendre, la clameur grandissait
au large au sein des feuilles. Mais le pas
qui rejoint, tu t'es bien gardé de le faire.
Les dons du vent, tu les as épuisés.
En cette chambre où la respiration retombe,
quelle parole accomplirait l'espoir du premier jour ?
A défaut de la dire, tu évoqueras un visage
juste avant que la mort ne le saisisse,
seul il invente, serait-il silencieux,
ce qui confie la terre à tous les vents et l'ouvre
à la passion d'acquiescer, de comprendre.
Pierre Dhainaut
08:39 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)
30/06/2019
Gu Cheng III, traduit par Annie Curien
Les yeux noirs
La venue
ouvre donc la fenêtre et caresse les tourbillons d'automne
les jours d'été sont une tasse de thé fort enfin éclairci
il n'y aura plus de cauchemar ni d'ombre lovée
mon souffle est nuage et l'espoir chant
ouvre donc la fenêtre et je viendrai
tes cheveux noirs s'éparpillant sur un ciel limpide
sur le faîtage sonore les hommes et les drapeaux fragiles
vont à petits pas sans soulever de poussière
je suis arrivé tu n'attendras plus amèrement
il suffit de fermer les yeux pour trouver tes lèvres
il était une barque flottant des sables du rivage vers la falaise
les rayons du soleil s'inclinaient tels des rames plongées dans les rêves
il n'y a pas de roi suprême pas d'âme suprême
tu es mon épouse ma vie impérissable
je dirai dans ton sang toutes les choses du lointain
le monde est une nécropole que scellent les voix du souvenir
Gu Cheng
août 1982
11:59 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)
27/06/2019
Gu Cheng II, traduit par Annie Curien
"Les Yeux noirs" est un livre paru en mars 1986 à Pékin, aux éditions du Peuple.
Les yeux noirs
Le chemin de loess en hiver
c'est le chemin de loess en hiver
bordé de piles de galets
la poussière se repose dans la lumière pâle du soleil
gardant sa chaleur dans le froid
notre marche nous a fatigués
tu ne vois pas, dis-tu, cette maison vide
peut-être n'existe-t-elle pas, alors asseyons-nous
voici justement un talus
je connais bien les foins qui courent sur ces talus
ils sont coupés
ils se sont épuisés à donner leur sève
ils m'avertissent
que tout peut changer, en pleine nuit
le plus favorable des vents peut lui aussi
se transformer en une bête
qui hurle sauvagement
ils disent : ne restez pas assis trop longtemps
pourtant, tu dors encore
appuyée légèrement contre mon épaule
tes longs cheveux bruns recouvrent ma poitrine
ils s'étalent paisiblement
si fatigués qu'ils en oublient de flotter
le soleil, le soleil lui ne peut plus attendre
il pâlit, mon tendre regard
j'ai perdu le mot qui sait te réveiller
c'est le chemin de loess en hiver
la nuit profonde commence à s'étendre parmi les ombres
la première étoile n'a pas pleuré
elle a retenu ses larmes dorées
tu t'appuies légèrement contre mon épaule
dans un souffle que je ne peux tiédir
les lèvres tremblantes, tu murmures en rêvant
je sais, tu demandes le pardon maternel
Gu Cheng
octobre 1980
10:18 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)