07/11/2016
"Le dernier livre des enfants", Ariane Dreyfus, éd. Flammarion
Vient de paraître le sixième opus d'Ariane Dreyfus paru aux éditions Poésie/Flammarion "Le dernier livre des enfants", dont voici un extrait :
Dessin de Valérie Linder, en première de couverture
* *
J’écris parce que je vais disparaître
C’était là,
Ma fille assise dans l’escalier, je la regarde entre les barreaux
Ne bouge pas
J’aime continuer
L’importance de se regarder
Sans doute
Le visage en veut un autre
Les tout petits, ne plus rien dire
Ainsi la nuit si j’entends le chat manger enfin,
Lui si maigre, je sais qu’il bouge son menton aux os fins
Il a besoin de manger, nous oubliant
Pendant que la nourriture craque entre ses dents
Les craquements, si on voulait, on saurait où c’est
Passer entre les barreaux, les frôler
Sans se faire peur
Surtout quand un animal tourne sa tête, hésite,
Puis retourne à son bol où il reste de la solitude
Ariane Dreyfus
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22/10/2016
A François Laur (1943-5/9/16) - in memoriam
Nuit de pleine lune
où la ciellée prend figure
d'une vaste plaine neigeuse
virant au bleu des rêves avortés
passé les récifs les cahots d'ici bas
les fines rides et le lacis des veines
la dentelle dégorgée
d'arbustes inflexibles
que chante encore sa voix
un filet d'or perdu dans l'onde
un essaim d'exocets
crête à crête emportés
par ce qui n'a pas d'autre nom
que celui que chuchotent
les lèvres fluentes de l'écume
Daniel Martinez
00:56 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)
14/10/2016
"Les Chants de Maldoror", de Lautréamont
Les Chants de Maldoror
Vous n'êtes pas sans savoir que Genonceaux, l'éditeur d'Isidore Ducasse (comte de Lautréamont), suspendit la première édition des "Chants de Maldoror", effrayé sans doute par le caractère sulfureux de l'ouvrage. Ce ne fut qu'à la deuxième édition, tirée à seulement 150 exemplaires, que le fameux comte de Lautréamont gagna certaine notoriété. C'est l'édition de 1890 qui fit monter Léon Bloy sur ses grands chevaux et provoqua sa tonitruante réplique dans "Le Cabanon de Prométhée", plus tard incluse dans Belluaires et porchers (1905). Mais elle est aussi, ne l'oublions pas, l'édition "pataphysique" de référence, celle que Jarry avait sous les yeux quand il écrivait son inénarrable "Faustroll"...
Cette seconde édition est illustrée en frontispice d'une gravure macabre de José Roy, avec un fac-similé, et une préface de l'éditeur. Le plus étonnant pour nous, ce sont les efforts de Genonceaux, dans cette préface, pour prouver qu'Isidore Ducasse n'était pas fou. Léon Bloy venait de dire que l'auteur des CHANTS était mort à l'asile. Genonceaux, donc, fait appel à un graphologue pour analyser l'écriture d'une lettre de Ducasse à son banquier Darasse. Diagnostic : Lautréamont était un logicien de premier ordre. "Mon corps fera une apparition devant la porte de votre banque" écrit Isidore à son banquier. On ne sait pas assez que ce dernier habitait au 5 rue de Lille, dans le 7e arrondissement de Paris, c'est-à-dire précisément là où, un siècle plus tard, officiera Lacan, qui nous apprend que : "Le style c'est [...] l'homme à qui l'on s'adresse" (sic). Une plaque, selon moi, désormais, s'impose : "Lautréamont, en 1870, venait retirer son argent ici." Allez-y voir, si vous ne voulez pas me croire.
Daniel Martinez
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