19/05/2020
"Signes", Hélène Mozer, éditions Ecbolade, fév. 2002, 48 pages
Enfin la nuit. D'abord un réduit de silence. Mais des mots nomades, déjà, rivalisent dans la datcha d'ombre : mesures de clarté comme enchère à la chandelle. Un vocable possible, encore ! Ou tel autre ? Travail, tourment, risques du choix.
Et voici que cesse le temps dévolu. Retour aux freins du silence. Plus de murmures. Déjà le jour.
Mais violette ou blanche, qui nacre ma pente : viola humilis sur mon destin gris.
Est-ce l'aube ? La fin d'un rêve ? Tristesse gris-rossignol... Faibles taches colorées émergeant de la pénombre. Puis la couleur prend forme en fondus de lumière, en irisées flammèches.
Ce serait un bouquet effervescent, mousseux, dont le contour des fleurs s'évapore par bouffées fines (et l'arôme, dans la buée, s'évade).
A force de renoncements de fleur à fleur, d'éclatements de bulles, de pétales épousés perdus... et le bouquet n'est plus qu'une rose géante. La main qui le tiendrait, le tendrait-elle ? Et à qui ?
Hélène Mozer
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Une poétesse dont la BNF a perdu la trace depuis l'année 2000. C'est avec "Signes" son cinquième livre chez Ecbolade, après "Fantaisies" (1986) ; "Lucile dans l'octave, et autres poèmes (1987-1992)", recueil paru en 1993 ; "Quatre trois deux un" (1996) ; "Sorts" (1998). Dans son vibrant hommage à René Char, in "La part d'exil", Hélène Mozer écrit : "La "capitale de l'aube" épure, éploie ses transparences, en un sort aux illisibles confins. Pourtant, alors que l’œuvre - même en son grain le plus dur, en son scintillement le plus serré, et jusqu'en l'octroi de ses impacts - demeure incoercible en sa quasi miraculeuse expansion (liberté d'éther, flammèche qui rampe au-devant des pistes), le poète, lui, "planté dans le flageolant petit jour", par ses assises a poids de roc."
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18/05/2020
"Les ateliers de Jean-Pierre Pincemin", de Louis Dalla Fior, ART inprogress éditeur, mai 2009, 152 pages
Une fois n'est pas coutume, voici un écrit du plasticien dont nous entretient dans ce livre le poète Louis Dalla Fior (un artiste disparu prématurément et qui a permis, de son vivant, la reproduction d'une gravure de son meilleur cru dans Diérèse). Le présent extrait prend l'allure d'une retranscription. Conçu en 2002, à l'occasion d'une exposition intitulée "L'Arbre de la connaissance", c''est un texte grave, où se lit la solitude foncière du créateur, au regard du geste d'Eve ici transposé.
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Le vieil Adam
Dans cette étrange torpeur, où le chant des oiseaux m'accompagnait toujours, je vis là devant moi un vieil homme paraître. Je ne sais d'où il venait mais je n'eus pas le temps de lier conversation. Dès qu'il vit le pommier, il grimpa tout en haut, mangeant à son plaisir tous les fruits qu'il portait.
A la dernière pomme, tout était consommé. Il voulut redescendre d'où il était venu mais le pied lui faillit et il trébucha la tête la première vers la terre qui s'ouvre, le sol qui l'engloutit dans un gouffre béant. Où est-il à présent ? La terre dans ses entrailles le tient-elle prisonnier ? Est-il encore en elle ou dans un autre lieu, éloigné de chez lui ? Je l'ignore. Mais je peux voir qu'il est perdu, je peux voir sa peine car je la sens en moi, tant il me semble que ce vieil homme m'appartient de lignage. Il est partie de moi et je suis près de lui dans la terre ouverte, perdu et sans secours pour venir à lui, pour venir à nous.
Jean-Pierre Pincemin
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16/05/2020
"Les fileuses" de Hédi Kaddour, dessins de Renée Mayot, éd. Le Temps qu'il fait, 8 mai 1995, 56 p., 65 F.
La vérité
pour Iris et Gérard
Un goût de pommes au miel, de petit
Acide accompagne les larmes lourdes
Du vin, et son ambre à reflets verts
Parle d'anciens automnes. Entre nature
Et temps, au jour de fête, le débat
S'est rouvert, tandis qu'un convive
Remarque : Si Voltaire écrit des contes
C'est que la vérité pour être comprise
Doit d'abord être crue. Sur le tapis
Devant la cheminée dort une chatte
Qu'on enjambe doucement pour apporter
Les tranches de pain tiède, la terrine
De bécasse mélangée au foie gras,
Aux pistaches concassées à la main.
Hédi Kaddour
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