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08/05/2020

"Gratitude augurale", de Pierre Dhainaut, éd. Le loup dans la véranda, 4 avril 2015

Le poème est accompli quand il éclaire en s'effaçant ce qui l'éclaire. Il ne l'a pas voulu, à vrai dire, il est alors inoubliable.

La jeunesse dans l'extrême vieillesse : les gestes de certains peintres deviennent avec l'âge plus audacieux, plus libres. Y a-t-il une malédiction qui condamne les poètes à l'étouffement? Si la vigueur les a désertés, ils en sont responsables. Ils n'avaient pas à se ménager pour l'économiser, ils en ont fait un mauvais usage. Qu'ils n'accusent pas l'ordre impérieux du langage verbal : ils l'ont d'autant moins transgressé qu'ils avaient de leur œuvre une conception étroite. Une œuvre, s'il est permis sans orgueil d'utiliser ce terme, n'aura de justesse que si elle est insoucieuse de son sort, elle n'aura pas peur de sa fin, elle fera mieux que maintenir intacte l'énergie, la confiance initiale, elle l'augmentera. Quelle que soit notre activité, cette confiance nous est offerte, mais les poèmes ont ce mérite de l'intensifier. Le port, le bon port, disent-ils, l'origine : nous sommes prêts à repartir sans savoir où ni comment. Ils disent encore que l'allégresse est inépuisable, du voyage. Nous les entendons mal, ils sont plus que nous généreux.

 

Pierre Dhainaut

15:15 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

06/05/2020

"Le pilleur d'étoiles", de Claude de Burine, éditions Gallimard, mars 1997

Claude de Burine, une poète authentique (1931-2005) qui a publié dans Diérèse. Corps et regard de la plus extrême acuité, où le monde se contemple ébloui de sa propre lumière. D'un geste un seul, elle trace un cercle d'air où respirent paroles et silence mêlés : prélude à la naissance du poème, que les mots ne figent pas, on les sent toujours à l’œuvre, toujours en quête, entre voix et voie. DM

* * *

Lettre d'automne

Le givre qui déjà fait ses pointes, les derniers soleils, leur tête penchée, flétrie comme ceux qui reviennent des vêpres, je voudrais te le dire, te dire aussi que la lune devient une orange lorsque le froid s'annonce, mais cela, tu le sais, ce sont des images de marché commun. Et c'est un cadeau que je te donne les petits feux dans les champs pour brûler les chaumes.

Ce ne sont pas des fleurs qu'on doit t'offrir mais les feux qui brûlent fort. S'allument ici, ailleurs. Tu les verras puisque je te les annonce.

Les heures qui courent en moutons dociles et sales n'ont pas la certitude des murs qui les abritent ni l'appui du béton-maire, ni de celles qui se voulaient des anges.

On commence à fermer les portes sur des bois vivants.

Aux objets trouvés, on va chercher les mots des amours perdus.

Et c'est toi qui viendras m'attendre à cette gare où s'arrête et repart le train qui ne revient pas.

 

Claude de Burine

10:02 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

05/05/2020

"Thème de l'adieu", Milo de Angelis, éditions Nous, mai 2010, 96 pages, 12 €

On verra dimanche

 

Compter les secondes, les wagons de l'Eurostar, te voir
descendre du numéro neuf, le chariot, le sourire,
le cœur qui cogne, la nouvelle, la grande nouvelle.
C'est arrivé, en 1990. C'est arrivé, c'est sûr
c'est arrivé. Et encore avant, le plongeon dans le Tessin
pendant que le ballon disparaissait. C'est arrivé.
Nous avons vu l'ouvert et le caché d'un instant.
Les fées rentraient dans leur HLM, l'ouragan
emplissait un ciel halluciné. Chaque chose était là,
déserte et pleine, pour nous qui attendons.

 

Milan n'était qu'asphalte, asphalte liquéfié. Dans le désert
d'un jardin il y eut la caresse, la pénombre
adoucie envahissant les feuilles, heure sans jugement,
espace absolu d'une larme. Un instant
en équilibre entre deux noms avança vers nous,
se fit lumineux, se posa en respirant sur la poitrine,
sur la grande présence inconnue. Mourir fut
cet émiettement des lignes, nous là et le geste partout,
nous dispersés dans les suprêmes tensions de l'été,
nous entre les os et l'essence de la terre.

 

Milo de Angelis
traduit par Patrizia Atzei & Benoît Casas

05:48 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)