09/04/2020
William Carlos Williams (1883-1963), traduit par Yves Peyré
Landscape with the fall of Icarus
According to Brueghel
when Icarus fell
it was spring
a farmer was ploughing
his field
the whole pageantry
of the year was
awake tingling
near
the edge of the sea
concerned
with itself
sweating in the sun
that melted
the wing's wax
unsignificantly
off the coast
there was
a splash quite unnoticed
this was
Icarus drowning
William Carlos Williams
Paysage avec la chute d'Icare
Selon Brueghel
la chute d'Icare
ce fut au printemps
un fermier labourait
son champ
tout l'apparat
de l'année se tenait
en éveil sonnant clair
près
du rivage marin
replié
sur lui-même
peinant sous le soleil
qui fondait
la cire des ailes
de nulle portée
loin de la rive
ce fut
tout à fait inaperçue une gerbe
d'écume
Icare qui sombrait
Ce poème de William Carlos Williams est extrait de Pictures from Brueghel and other poems (New Directions, New York, 1962).
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06/04/2020
"L'instant d'après", de Max Alhau, éd. Brandes, 12 juillet 1986, 289 exemplaires, 40 pages.
à Muriel
Ce qui comble notre impatience, c'est cette ligne infranchissable après laquelle les signes, les repères se brouillent. Ni horizon ni point de reconnaissance mais l'énigme, l'emplacement définitif où se fige l'ombre, alors que la lumière a cessé depuis longtemps de baliser la terre.
A force de suivre le mouvement des vagues, la durée s'engloutit avec elles. Ni l'arbre ni le corps ne résistent : le vent et les rochers se révèlent l'un à l'autre, superbement étrangers. Nous aussi avons changé de camp et ce transfert a comblé notre ignorance.
Quelqu'un parle ou se tait, rien ne le désigne, sinon le crissement de ses pas, son ombre déportée. C'est tout ce que l'on soupçonne d'une présence offerte au vent, au vide.
Faire demi-tour en quête d'une piste serait trahir, suggérer plus qu'il n'est permis. L'obscur convient à ses seules preuves.
Le soir, quand on observe les objets les plus familiers, on éprouve la sensation d'échapper à son corps et au temps, d'être réduit à un seul regard.
Toute notion d'absence s'effondre au profit d'une présence infinie et pareille illusion nous contraint à nous résigner à cet état passager. Les choses n'en finissent pas de nous tenir en leur compagnie, de nous habiter jusqu'au jour où le congé devient définitif.
Max Alhau
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05/04/2020
"De sonnets, points.", de Alin Anseeuw, éditions Ecbolade, mai 1999, non folioté.
Recueil attachant que celui que je tiens en mains, André Merveille est le deuxième nom du poète, qui à partir d'une de ses peintures laisse paraître les poèmes qui lui font cortège (sur papier kraft), entrecoupés de réflexions sur la naissance de l'écriture, couchées là sur un vergé ivoiré (de 120 grammes). Avec ses référents naturels [j'allais dire "obligés"] : Rimbaud par exemple et sa "Chanson de la plus haute tour", exaltée par "les montagnes que Cézanne peint".
Magie du deuxième "sonnet", il en est six, le voici donc :
Contemporain de la métamorphose, et retrouvant
Comme surgit l'acteur d'un personnage sur le lieu réel
De sa légende, j'ai cette promesse des dieux
Que le monde commence avec le ciel mental avec
Le ciel miraculé des circonstances,
Le corps invulnérable & la voix d'une roturière
Rose qui saigne lentement comme un chiffon au cœur
Je dis un pied au monde & ce qui passe en ce naufrage
Comme un mensonge est affecté
Le nuage ou mirage à l'orée du soleil
Et le cheval qu'il prend
Ce que je vois la vieille femme
Elle a brisé le cœur
L'ennui au fond du verre
Alin Anseeuw
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