23/03/2020
"L'instinct du tournesol", de Patricia Castex Menier, Les Lieux-Dits éditions, février 2020, 7 €
Je
ne veux pas,
résolument,
de
cette pente toujours possible,
et
naturelle, dit-on,
qui
nous entraîne vers les ténèbres.
J'aurai
l'instinct du tournesol.
Résolument
du parti des fenêtres,
des
balcons, des terrasses,
des baies,
et des verrières,
des
toits ouverts.
Pour
la clarté
qu'on
espère immédiate.
L'espace
d'un instant,
mais
à répétition,
qu'il
soit midi.
Ainsi
relèverai-je la tête,
assouplirai
la tige de ma nuque,
et
boirai le ciel jusqu'aux racines.
Patricia Castex Menier
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20/03/2020
"Sagesse" (1880), de Paul Verlaine
Parvenu au sommet de son Art, Paul Verlaine jette un regard rétrospectif sur sa vie, entre appel et désir de réponse, entre la main qui donne et le geste qui prend, il hésite, personnifiant son rêve, à l'envi. Le temps est une vague, une lueur noire parfois, qui dans son va-et-vient donne à la vie son allant plutôt que l'impression d'un éternel retour.
Et le feu de l'astre solaire, c'est dans le corps de l'autre - ici celui à qui il dédie ses pensées - que le poète trouve grâce et raison d'espérer : double par essence et tutoyant l'espoir, comme la mélancolie. Pulsion de vie, pulsion de mort s'enchaînent, qui lui donnent le front de s'émerveiller, encore. A peine une chanson, ne serait-ce une plainte ?, une manière de saisir le monde perdu, retrouvé dans et par le poème. DM
L’espoir luit comme un brin de paille dans l’étable.
Que crains-tu de la guêpe ivre de son vol fou ?
Vois, le soleil toujours poudroie à quelque trou.
Que ne t’endormirais-tu, le coude sur la table ?
Pauvre âme pâle, au moins cette eau du puits glacé,
Bois-la. Puis dors après. Allons, tu vois, je reste,
Et je dorloterai les rêves de ta sieste,
Et tu chantonneras comme un enfant bercé.
Midi sonne. De grâce, éloignez-vous, madame.
Il dort. C’est étonnant comme les pas de femme
Résonnent au cerveau des pauvres malheureux.
Midi sonne. J’ai fait arroser dans la chambre.
Va, dors ! L’espoir luit comme un caillou dans un creux.
Ah, quand refleuriront les roses de septembre !
Paul Verlaine
09:14 Publié dans Auteurs, Paul Verlaine | Lien permanent | Commentaires (1)
18/03/2020
"Suites slaves", de Jude Stéfan, couverture et illustrations de Jan Voss, éd. Ryôan-ji, 4 avril 1983, 88 pages.
L'un des auteurs de Diérèse, auteur d'un mémorable "Brevet des collèges" dont je vous ai donné lecture, voici pour vous un extrait de la Suite n° 11 des Suites slaves (il y en a 17), à lire "à l'oreille", en basse continue, hymne à l'amour physique, alors que le poète baguenaude, dans un rêve vigile, "à Pompéi dans la rue des lupanars". C'est ici la forêt qui lance l'inspiration, dans une très libre envolée, pour y revenir sans cesse, en un registre quasi religieux. Il faut bien entendu lire entre les lignes de ce poème, par exemple "la guerre en rase-motte sur les enfants / et les foins..." ; ou encore l'hommage à Keats en passant, le tout baignant dans un constant appel à la nature, à une progression dans le poème même, agencée par petites touches successives. Mais trêve de digressions, voici :
¤*¤
Suite n° 11 : Silves
le plus beau de la forêt, le vent
elle me réapparut en robe talaire
couché dans le berceau des arbres
comme elle aimait aux fêtes
ô mentonnière des morts
oui j'ai fait manger des pierres
à la femme à quatre heures chante
le premier oiseau le chien du chasseur
à ses pieds couché
(glands des tarbouches balançant
dans les rues)
un escargot dans ma tombe
- quelle taupe me les chassera ? -
la sirène la sirène nous chassa du bois
la guerre en rase-motte sur les enfants
et les foins : glaneuses, faneuses à vélo
les éparpillant les vrillant d'effroi
hors l'ardeur des fougères et des pins
à prendre le frais opaque des ombres
déjà t'agrippe la vieillesse ma sœur
et te croche la mort
sur ton sein je baisais ton cœur
(concevez mon désespoir
crucifié au sol)
ou Keats ressuscité par un chant d'oiseau
dans la forêt claire obscure
il s'avance encore aveugle
souriant squelette
comme jeunes filles se rêvant aux glaces
(ah ici pour plus vous aimer réfugié sans
vous dont les rêves s'envolent en pigeons
qui trop aimiez que je vous lisse les ailes
ces neigeuses tettes et fesses vous fuir)
quand le sexe parle en toutes lettres
vultu petulans Elegea dit Stace
le bois de bouleaux ; l'étang enchanté ; le
trot des pavés ; les charmes sous la pluie
entre les gouttes de rire ; "même s'il t'advient
de donner tous les baisers ce ne sera que peu"
lut-elle, puis leva les yeux vers les nuages
et moi - "mais par tout le corps" dis-je,
au front et aux joues, le cou la saignée
du coude les doigts les mains le ventre
les pieds, écoute ce sera pudeur tendresse
passion ardeur dévotion charité fureur et
l'infinie humilité loin de leurs sucées
de langues et de bouches debout au-dessus
de son chapeau contre l'arbre tournant ma
bague insolente un jour que je marchais
à Pompéi dans la rue des lupanars
dans l'allée de cyprès moi mon âme
dans la forêt Baroque qui me saluai par
vaine gloire
tributaire de tes courbes
en mon utopique bordel
bordel aussi sacré
que la forêt serait cathédrale
en milliers de feuilles et baisers
toi la sainte couchée jonchée
sur un lit de mousse
perdus dans la forêt d'Altdorfer...
Jude Stéfan
11:00 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)