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01/04/2020

"Dans l'étang, le parc", de Gaëtan Lodomez, éd. Folle Avoine, 21 octobre 1987, 64 pages, 50 F

à Geneviève


          épaule très lisse
          du soir dans le bleu
          des abreuvoirs que
          la pluie touche
          de la langue
          et d'or tu grésilles
          sous la tempe claire
          des lampes
          et tu brilles dans
          les vins que j'allume
          en mémoire
          de la nuit

 

peut-être de l'herbe grise comme le temps. parfois je te parle de l'ombre, du sel, d'une fable de chat. gestes sans suite. très mince horloge des rides. s'insinue le bleu dont le feu rêve. on entame le vin d'une saison sans souvenir. légères traces d'encre sur les doigts d'un autre texte où je mesurais ton absence comme aujourd'hui, en fait, ce jour creux qui tient tête, plein de pluie piquant par rafales les miroirs.

 

          La touche où
          vivent les oiseaux


          marche en moi
          langue ronde
          celle qui connaît
          le nom des pluies


          ou crie derrière
          la fente des yeux
          quand le visiteur
          déterre le très
          fragile fagot
          du ruisseau

 

Gaëtan Lodomez

11:47 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

31/03/2020

"Les marches du vide", de Lokenath Battacharya, traduit du bengali par l'auteur & Franck André Jamme, éd. Fata Morgana, 4/12/1987

L'arbre d'or

Nous sommes de voyageurs. Venus de loin, si loin. En écoutant l'appel des oiseaux de la nuit, nous avons repéré le nid de l'aube - c'était le but de notre quête. Les cors et les trompettes que nous avons transportés pour jouer à l'arrivée, ils sont tous là, prêts, brillant dans tant de mains au cœur de ce matin rose. Nous désignerons la forêt, nous donnerons des noms aux fruits, aux fleurs, aux mouvements en nous : tel était le désir.

Nous voulions construire notre chambre au bout du chemin.

Mais maintenant où vont aller nos regards ? Vers la chambre ou vers le chemin ? Tu me demandes. Ou bien je te demande. Nous étions trois, non ? il me semble. Et même davantage. Qui étaient-ils, tous ?

Je parle encore de toi et moi, habitude d'un vieil amour. Je fais également surgir le thème des cors et des trompettes. Seulement tu n'es plus un seul être, tout le monde est toi : moi-même. Or du frangipanier, petit soleil, dans quel bain tu nous a trempés !

Où sont passés nos vêtements, ce qui nous distinguait les uns des autres ? Certains aussi avaient des yeux, des nez, des visages, non ? Et toi tu étais là, j'étais là, ma nuit te tenait embrassée, non ?

Frangipanier, arbre d'or, toutes ces questions tu les as rendues absurdes. Toutes les réponses, tu les a exilées.

Un son résonne dans le silence. Celui dont c'est le son est là. Lui seul est là.


Lokenath Battacharya

07:59 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

27/03/2020

"Solstice d'été", de Yves di Manno, éditions Unes, 29 mars 1989

Presque toujours à l'origine de la pulsion qui te fait écrire il y a une image ou des mots, l'un ou l'autre, dont l'évidence est si forte, terrassante, que tu ne peux faire autrement que de les transcrire sur-le-champ.

Sois clair quant aux images.

A mon sens, l'apparition (purement mentale) de l'image tient au fond mythique (et/ou collectif) dont nous sommes chacun les dépositaires. Je veux dire, sans vouloir être paradoxal, que lors de l'écriture c'est le langage qui dépend le plus de l'expérience individuelle, tandis que certaines images, presque imposées, semblent témoigner d'un passé véritablement collectif. Je ne peux pas m'expliquer autrement l'émergence soudaine de ces paysages sans référents, de ces tribus, de ces visages qui surgissent de trop loin pour m'appartenir en propre. Les mots, par contre (du moins l'emploi que j'en fais) dépendent davantage de moi, de mes humeurs, de mon travail : leur choix, leur association me sont plus personnels.

Renversant ainsi la vapeur (car le langage est après tout le bien commun de tous, voire ce qui fonde un peuple, alors que les images peuvent n'appartenir qu'à un seul), j'ai l'impression de mieux comprendre l'enchaînement des faits. Ce serait le langage mon seul bien personnel, et les images qui viendraient de l'extérieur (par "extérieur" j'entends un passé lointain, humain ou inhumain - et peut-être un autre présent). Il est sûr en tout cas qu'une circulation s'opère, de l'un à l'autre, que les pages naissent sinon d'un conflit, du moins d'une confrontation entre deux domaines - intérieur et extérieur, individuel et collectif, présent et passé - quels qu'ils soient ou que l'on veuille les nommer.

Note quand même qu'il est possible que tu te trompes du tout au tout. Ne va pas énoncer tout cela comme s'il s'agissait de certitudes - alors qu'au fond tu sais ne rien savoir, sinon que même ici ton expérience est vaine, ne te permet aucunement de t'engager plus avant.

Voici quelques mois tu écrivais ceci : "L'image est-elle ce qu'il y a de plus communicable ? Dans le poème, est-ce l'image qui parle - ou les mots ? En décrivant à l'aide du langage une image mentale (et, je le maintiens, réelle) est-ce que tu t'attaches avant tout au tableau que tu as sous les yeux - ou aux mots que tu formes ? Lutte entre la fixité parfois inquiétante de l'image et la fluidité des mots qui la décrivent, tournant inlassablement autour d'elle, sans parvenir à l'effacer. Pourtant, le mouvement est parfois inversé : les mots ouvrant à leur tour sur de nouvelles images, par glissements et allitérations."


Yves di Manno

07:33 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)