19/04/2020
"Blason de la chambre", de Guillevic, éditions Les Presses d'aujourd'hui, novembre 1982, 2660 ex hors commerce
Le Soleil
Tu me donnes la permission
D'entrer partout.
Pas comme quelqu'un
Qui vient de loin,
A travers
Des calculs d'astronomes
Et des rêves protubérants.
C'est en voisin que tu es là,
Introduit, familier,
Disant le droit
Des taches sur le mur
Et celui
De la chambre et l'épaisseur
De son autonomie.
Guillevic
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18/04/2020
"La tendresse", de Jacques Ancet, Mont Analogue éditeur, juin 1987, 120 pages, 500 exemplaires
Deuxième livre du poète Jacques Ancet publié au Mont Analogue (après Silence Corps Chemin). Une écriture embrassant dans un flux et reflux continuel ce que les souvenirs convoient, indistinctement d'abord. La tendresse dont le corps manque plus que jamais dans le monde nôtre ne s'apparenterait-elle pas à une mise en lumière des racines de l'enfance, éternelle pour les poètes ? Ici empruntant la forme d'un "récit", voire même d'un "récitatif", captifs de "cela qui nous fonde, nous fait, nous déborde, nous efface et pour quoi il n'est image ni mot : le merveilleux, l'épouvantable, l'indescriptible réel." DM
j'essaye de ne pas me perdre, je t'appelle en silence, je jette ma phrase à bout de mots comme une ligne sur l'eau immobile, je tire le fil, quelque chose résiste, s'abandonne, résiste encore, tes yeux toujours, cette émotion devant ton corps fragile, ce désir inconnu de te prendre contre moi, te protéger, cela bougeait très loin, bouge encore aujourd'hui, un peu moins cependant avec le temps, ton rire traverse les heures, me poursuit tel après-midi maussade où je ne sais plus te parler, m'accroche au passage un soir d'hiver, me laisse seul, émerveillé, ce jour d'été, obstiné à comprendre l'évidence de ton mystère, ce genou replié, ce pied nu sur le bord d'un fauteuil, ce doigt suivant les lignes d'un livre, contemplant longuement tes coquillages étalés, conques roses, ormeaux nacrés, débris rouges des coraux, porcelaines, ovales d'ivoire, galets, étoiles desséchées spirales laiteuses, y cherchant quel sens ignoré de ma vie et pourquoi m'obstiner à toujours aimer ce qui toujours m'échappe, la fuite bleue du matin vers le soir, ton sommeil léger, le morse du grillon, la lune rose et plus pâle ce soir sur la fenêtre, l'aube perle où flottent, fantomatiques, barques et rochers comme naissant du vide, de ce sommeil qui t'habite encore pendant que le jour monte, éblouissant, chaque geste devient plus simple, couper du pain, verser du lait, chaque chose plus nette, plus ferme sous les doigts comme ta peau que je touche à présent...
Jacques Ancet
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17/04/2020
"Le retour et le chant", de Pierre Dhainaut, Thierry Bouchard éditeur, 333 exemplaires, 15 août 1980, 32 pages
Cinquième recueil de Pierre Dhainaut paru aux éditions Thierry Bouchard, après :
La maison, le passage (1976), En gloire, en filigrane (1977), Haleine, hélianthe (1979), Mise au clair de décembre (1980).
En quête d'un "jour plus grand que le jour", le poète interroge, à la lumière de l'image mentale qui préside à l'écriture, ce que véhiculent les mots autant que l'être, l'insaisissable autant que le plus concret. Ce, pour donner libre expression aux fresques de la mémoire, aux murs de la demeure et à leur charge émotive, aussi bien qu'à la mort inscrite en filigrane, qui comme le soleil "nous pénètre aussi" : le poème ouvrant à mesure l'entre-deux - figuré par ces deux espaces où nous évoluons, le fini et l'infini, où l'homme en quête de repères cherche sa place, dans le feu de ses pensées. Dans un lacis d'impressions qui témoignent à leur manière de la force du désir et du "chant (qui) nous précède" et vont livrer d'autres méandres, à suivre plutôt qu'à décrypter, entraînés que nous sommes par le temps, de l'avant à l'après, vertigineusement. DM
¤
Abrupt,
le vent ne fut jamais moins rude : atteindrons-nous
notre visage ? Entre les rafales, entre les silences,
aucune hâte, aucun chemin pour nous mener,
nous retenir, la généreuse incertitude.
Un cri de la mouette,
il neige au-dessus de la mer.
Que verrions-nous
si nous n'écoutions pas ? L'écho se perd-il
en se répercutant ?
Nous accompagnons la lumière et la mort, le temps
qui résonne,
nous leur donnons visage.
Les mots ne mesurent d'autre ombre après nous
que la neige au long des plages où naît le vent,
nos yeux fermés, nos yeux offerts,
l'inépuisable.
Pierre Dhainaut
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