04/04/2020
"Photocollages", de Vincent Courtois, avec 60 œuvres de l'auteur (dont 21 en couleur), éditions Palimpseste, décembre 2011, 136 p., 30 €
Et il y a tant d'autres choses enfin. Il y a le ciel qui ne peut être comparé à rien puisqu'il est l'élément comparateur par excellence : vaste comme le ciel. Il y a la couleur bleue qu'on ne peut définir puisqu'elle est le référent ultime et dont le mot se fait comprendre aussitôt par lui-même : bleu comme le bleu. Il y a la couleur associée à ce ciel et qui en redouble le sens : bleu comme le ciel. Il y a un morceau de ciel, le ciel en tant que fragment du réel et les mots qui tentent de décrire et d'exprimer tous les effets que ces deux éléments produisent sur moi. Je vois le bleu du ciel palpiter dans l'interstice de la fenêtre ouverte et, en même temps, je vois le ciel, voûte du monde, réduit à une tache incertaine et floue.
Vincent Courtois
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03/04/2020
"Un profil perdu", de Françoise Sagan, éditions Flammarion, 22 mai 1974
Un livre bien en avance sur son époque, et peut-être sur la nôtre. Sans plus attendre, voici :
Les raisonnements les plus primaires et les plus platement logiques sont souvent les meilleurs. Il suffisait de voir à quel point de désarroi en était arrivée une société inondée de demi-science, de demi-morale et de demi-raison. A y penser, à l'écouter, ce vent charriait des milliers de voix épouvantées, affamées, angoissées, des milliers de voix très lointaines et très proches, des voix vibrantes mais que leur nombre, leur monotonie rendaient glacées, silencieuses et creuses comme un grand iceberg - ou un référendum. Ma tête vagabondait donc, et sans dommages : je souriais à temps pour une réplique, je remerciais à temps pour une allumette, je disais un mot parfois, insignifiant mais utile à la conversation. Je me sentais loin d'eux. Mais pas supérieure, hélas. Et mon éloignement me faisait douter plus de ma compréhension à l'égard de ces humains eux-mêmes. Au nom de qui, de quoi, les juger ? Et si je sentais ce soir-là qu'il était urgent pour moi de partir, de les abandonner, j'aurais été bien incapable de m'expliquer pourquoi, si ce n'est par une sorte d'asthme moral, d'étouffement dont ils n'étaient pas plus responsables que moi. Je ne comprenais rien, c'était vrai, à leur système de préséances, de succès ou d'échecs, et je n'avais nulle envie de le comprendre. Il fallait dégager, me dégager. C'était un terme de rugby et en cela j'étais d'accord : ayant joué les avants rapides toute mon adolescence et les piliers tenaces en pleine mêlée, avec Alan, je renonçais, cardiaque, au jeu. Je quittais le terrain vert, un peu jauni, sans arbitre et sans règlements, qui aurait été le mien. J'étais seule, je n'étais rien.
Françoise Sagan
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02/04/2020
"Griefs", de Louis Dalla Fior, éditions Tarabuste, novembre 2015, 68 pages, 11 €
Un auteur de Diérèse, qui fut ami du peintre Jean-Pierre Pincemin ; un poète qui nous vient de loin mais sait nous parler au plus près, de ce qui chemine en ses esprits :
Autre terre
Quand avec mon ombre cette cachette
je tends une embuscade
au jour s'endormant parmi les dehors -
soleil ou torrents de lumière sur mon espoir -
et n'ose ni même ouvrir un œil
ma cantillation s'évade.
Je l'écoute fuir au triple galop
vers une prairie là-bas.
Sphinge
De fins nuages réfléchissent devant la lune.
En attente du souffle
ils posent leurs pieds sur l'eau
sur le globe céleste
tout eux-mêmes aux flux.
Ils passent des oublis
en lesquels ils s'isolent
au cloître dont le temps
avant le temps rend
les aériens diaphanes.
La nuit devient fleur sans tige
que les soleils ne fanent pas.
Louis Dalla Fior
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