27/09/2020
"Quand les mots ne sont que du sable", de Jacques Coly, novembre 2004, éditions Les Deux-Siciles, 10 €
Le 21ème titre de la collection ; je me souviens avoir fait le déplacement chez un petit éditeur de province pour effectuer ce travail, éditeur qui, après m'avoir invité à visiter ses ateliers, s'est mis à me parler dans la foulée de la CFDT (!) comme s'il voulait me démontrer qu'il ne fallait pas franchir par le biais de mes publications la ligne rouge : pauvre homme, le titre de cet opus devait l'inquiéter un tantinet... En y mettant les formes, je lui ai fait comprendre que la Poésie n'avait rien à voir avec la panoplie des partenaires sociaux et qu'à mon sens elle ne représentait qu'elle-même, ce qui est déjà beaucoup. La discussion a tourné court, mais le travail a bien été effectué. Signalons que cet imprimeur a mis depuis la clé sous la porte, ce qui n'est pas pour me réjouir, soyez-en sûrs.
Plutôt, ma réflexion du jour, sans fioritures ni langue de bois, comme à l'accoutumée. Paul m'écrit, en faisant référence à l'un des poèmes de Pierre Dhainaut in Diérèse 79 : "il y a forcément plus que des mots / à travers un poème et plus que nous". C'est exactement ce que je pense, in petto. Celles et ceux qui croient que les mots de notre ordinaire non mercantile ne sont destinés qu'à communiquer se trompent lourdement. Les mots en qui nous sommes nous dépassent par le contenu qui est le leur et ne seront jamais tout à fait nôtres puisqu'ils vivent à leur manière, sans vouloir pour autant gagner nos faveurs. Le cogito de Descartes est ainsi mis à mal : nous ne pensons pas pour être, mais pour devenir ce que nous aurions pu être, entre le monde de la parole et celui de l'intérieur, irréfragable. Ita est. DM
La postface de Didier Sorbé, en quatrième de couverture :
Dans le silence, sur la peau transparente de l'air trois insectes (ou leurs larves), doués de parole monologuent. Et les voilà qui prennent la mesure du monde, tentent de sauver l'ancienne exultation solaire, la voix de l'idéal bientôt confrontée à la chair du masque : le dess(e)in jamais réalisé que la vie - la leur, comme la nôtre - soit image de l'intérieur : de la flamme, des attentes et aspirations que les vers ici et maintenant dévoilent, au rythme du poème. Quête de l'Harmonie (au sens où Signac l'entendait), une Harmonie acquise, rêvée et vivante à la fois, désirée autant qu'aimée, enrobant et dérobant tout dans le même mouvement, convulsivement. Étreindre sans éteindre. Toucher du regard le réel, une part d'éternité ? "Mais comment peindre des yeux au tigre qui s'élance magnifique et libre ?" se demande le porte-faix ; "Quand les mots ne sont que du sable...", note le ver luisant... Le "C'est Moi... sans être moi" de la chenille des bois jubile de cette bascule. Émerillonne la langue de Grande Vie. Tout l'art du poète et conteur Jacques Coly se loge et se love dans ce théâtre de la rotation des jours, sous les frémissements de la vie au-devant de déjà, lorsque "Les paupières s'éveillent au mystère des signes". Didier Sorbé
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25/09/2020
"Carnet d'Orphée et autres poèmes", de Thierry Metz, éd. Les Deux-Siciles, octobre 2011
Pour vous donner un aperçu de mes publications, commençons par le fameux Carnet d'Orphée, préfacé par Isabelle Lévesque, écrit par Thierry Metz sur un agenda, en lien avec la mort de son fils Vincent, écrasé en 1988 par un chauffard alors qu'il traversait la nationale, à quelques pas du domicile familial. Sous les yeux du père qui se sent directement responsable, et ne cherchera dès lors qu'à précipiter sa propre fin. Il se suicidera en avril 1997, à l'âge de 41 ans.
"L'Orphée de tous ces instants, en recherche, en quête... qui n'a peut-être plus envie de se retourner. L'ayant devant lui, le visage qui s'efface." En complément au Carnet d'Orphée proprement dit, livre posthume, on pourra lire des poèmes de Thierry Metz extraits des revues "Résurrection" et "Le Moule à gaufres".
Recueil important pour la compréhension de l’œuvre du poète Thierry Metz. En impression offset, l'exemplaire ordinaire est en vente à 12 €. Quelques exemplaires à grandes marges sur Arches, encore disponibles : à 60 €.
Un livre salué par la critique. Thierry Metz s'y livre tout entier, dans un chassé-croisé de souvenirs et de projections portant tantôt sur sa propre fin, tantôt sur le sens/non-sens de sa vie, avec en miroir l'image de celle qu'il continue d'aimer bien que séparé d'elle, sa femme Françoise.
Parque claire et Parque sombre se disputent, à lui le poète, ses jours derniers. C'est de ce combat-là, tout intérieur, qu'il s'agit, où resurgit Vincent que Thierry Metz veut rejoindre, à pas comptés, sous le feuillage des morts. Poursuite inlassable d'une résonance, d'une reconquête à l'envers du jardin terrestre, sur un fond de silence et de recueillement.
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"Traité des excitants modernes", Honoré de Balzac, éd. Arléa, 80 pages, mars 2003, 10 €
Du Café
Sur cette matière, Brillat-Savarin est loin d’être complet. Je puis ajouter quelque chose à ce qu’il dit sur le café, dont je fais usage de manière à pouvoir en observer les effets sur une grande échelle. Le café est un torréfiant intérieur. Beaucoup de gens accordent au café le pouvoir de donner de l’esprit ; mais tout le monde a pu vérifier que les ennuyeux ennuient bien davantage après en avoir pris. Enfin, quoique les épiciers soient ouverts à Paris jusqu’à minuit, certains auteurs n’en deviennent pas plus spirituels.
Comme l’a fort bien observé Brillat-Savarin, le café met en mouvement le sang, en fait jaillir les esprits moteurs ; excitation qui précipite la digestion, chasse le sommeil et permet d’entretenir pendant un peu plus longtemps l’exercice des facultés cérébrales.
Je me permets de modifier cet article de Brillat-Savarin par des expériences personnelles et les observations de quelques grands esprits.
Le café agit sur le diaphragme et les plexus de l’estomac, d’où il gagne le cerveau par des irradiations inappréciables et qui échappent à toute analyse ; néanmoins, on peut présumer que le fluide nerveux est le conducteur de l’électricité que dégage cette substance, qu’elle trouve ou met en action chez nous. Son pouvoir n’est ni constant ni absolu. Rossini a éprouvé sur lui-même les effets que j’avais déjà observés sur moi.
« Le café, m’a-t-il dit, est une affaire de quinze ou vingt jours ; le temps, fort heureusement, de faire un opéra. »
Le fait est vrai. Mais le temps pendant lequel on jouit des bienfaits du café peut s’étendre. Cette science est trop nécessaire à beaucoup de personnes pour que nous ne décrivions pas la manière d’en obtenir les fruits précieux.
Vous tous, illustres chandelles humaines, qui vous consumez par la tête, approchez et écoutez l’Évangile de la veille et du travail intellectuel.
Honoré de Balzac
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