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07/10/2020

Sous l'arbre de vie : les quatre stades de la pensée (Daniel Martinez)

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1- L'équation du passant pensant repose sur le Mythe du Phénix, dont le bec vient chatouiller à petit feu, sous la calotte crânienne, les méninges en veilleuse. Tête nue, il observe, silencieux. En quête du moment rêvé : la fusion virtuelle de l'Alpha et de l'Oméga.

2- Puis, la tête de profil : chuchotis plus que chant, le stade des Murmures administre et recense. La pensée en gésine a l'éclat froid du mercure. Le fruit du houx est une larme de sang.

3- A tire-d'ailes la pluie des étoiles vient frapper le troisième gong. Et les feuilles, et les cosses qui claquent volent leurs nuances aux mélèzes médusés.

4- La quatrième marche est l'ultime : le visage s'enfonce dans le col du pardessus, là même où des mouchoirs brodés agitent les idées dans le cornet à dés neuronal, sans fin, sans fin. DM

"Un nombril limité d'étoiles" de Jean-Marc Couvé, éd. Les Deux-Siciles, mars 2007, 9 €

C'est le vingt-quatrième titre de la collection Poésie, des éditions Les Deux-Siciles. Le poète Jean-Marc Couvé y voit ses textes accompagnés de vingt esquisses de Peter Neu, dont celle la couverture, ici reproduite :

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Les traductions des poèmes de Jean-Marc Couvé en allemand sont de son fait :

Elle paraît, l'évidence
même - même si
la femme
est cachée dans les courbes,
les replis de sa robe,
à dessein -
onduler la dévoie !

 

Sie scheint, offensichtlich, irgend-
wie, so wie
Die Frau
ist in den Kurven
der Rockfalten
absichtlich versteckt -
zum Irreführen wellend !


Jean-Marc Couvé

06/10/2020

En quoi consiste le travail du poète, pour Charles Dobzynski

C'est l'écriture et elle seule qui crée, entre les mots, ce courant électrique qu'on appelle communication. Le réseau capillaire du sens n'entre effectivement en action et en interaction que lorsque la bouche et l’œil, dans tel ou tel mot, se trouvent soudain connectés avec leur propre part de non-dit. A la langue, qui produit du sens, la stimulation du non-sens est nécessaire, comme la dérive de l'arrière-sens, afin de s'extirper de son miroir sans image, de s'arracher de son image en creux, dans la cire des formules. Le travail du poète, s'il peint sa vie et la leste de sens, consiste précisément à lui réinventer un sens, non pas celui "plus pur, des mots de la tribu" mais celui qui donne une direction, permet de se mouvoir et d'aller de l'avant. Faute de quoi cette vie ne serait qu'une panne de sens, irrémédiable quand on sait qu'à partir d'un certain état critique, il est impossible de s'approvisionner, de rebondir d'un sens à l'autre.

Dès lors qu'il nous déserte et nous est perpétuel exil, le sens est notre reconquête, ce que nous arrachons de nous-mêmes au néant. Le sens ne saurait faire l'objet d'aucun déchiffrement car il ne s'inscrit préalablement nulle part. Il n'est pas le langage codé, la pierre de Rosette qu'il suffirait à quelque Champollion de soumettre à la confrontation des repères sémantiques. Il est le code lui-même que nous élaborons au fur et à mesure que nos gestes, nos silences, nos rêves, nos mensonges, nos passions, tissent en nous cette toile d'araignée qui a pour souveraine dispatcheuse la mort. Le sens est peut-être ce qui nous tisse, l'accroc à partir duquel tout s'effiloche. Ou alors nous sommes prisonniers du sens comme la main l'est de son gant, à cette différence près qu'il n'y a personne pour nous le retirer.

C'est sans doute pourquoi, en fin de compte, nous ne laissons d'empreintes digitales que dans la poésie : c'est à partir de ces indices anthropométriques que nous pouvons relever les itinéraires de ceux (toujours hors la loi) dont le métier consiste à dévaliser le sens, dans les mots-valises ou les coffres-forts du silence. Entre les choses et nous, les mots et nous, la peau du sens s'interpose. C'est cette opacité qu'il nous faut combattre, opiniâtrement, sans être jamais sûrs de voir le feu renaître de la cendre.


Charles Dobzynski