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01/10/2020

"Jusqu'au cou", de Pascal Ulrich, éditions Les Deux-Siciles, octobre 2001

Second recueil de Pascal Ulrich publié aux éditions Les Deux-Siciles (après Patchwork 1999-2000), son titre : Jusqu'au cou (voir ci-dessous la première de couverture). Le 16 juillet 2000, il m'envoyait avec l'une de ses lettres "tourbillonnaires" (je lui avais offert le tome I des Œuvres complètes de Henri Michaux dans La Pléiade) ces réflexions quelque peu désabusées, on y sent une quête d'équilibre pour le moins difficile. Si seule l'intention compte...
Catharsis par l'écriture, manière de chasser les vieux démons d'une époque prompte à cataloguer ses poètes même, quand rien n'importe plus que de s'éloigner des ténèbres qu'elle génère. Pour ajouter : "Arrivés là, de quelle clarté perdue venons-nous ?" - mais est-ce bien une interrogation.

Sagesse bouddhiste de ses propos :
 
                       La réflexion est nourrie
                       par le doute. Ne rien
                       dire. Ne rien faire.
                       Ne rien penser.
                       Ne rien rêver.
                       Ne rien aimer.
                       Ne rien entendre etc...
                       Un caillou ?

                              Pascal Ulrich

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Vous pouvez vous reporter utilement à la rubrique "Pascal Ulrich" de ce blog pour de plus amples développements. Amitiés partagées, DM

30/09/2020

Le rapport à l'écriture de Michel Foucault in "Le beau danger", éditions de l'EHESS, nov. 2011

Un recueil sur lequel la critique ne s'est pas attardée, Michel Foucault y est interrogé par Claude Bonnefoy ; pour la seule fois de sa courte vie, Foucault nous donne à lire ce qui l'a amené à écrire, ce qu'il nomme "l'envers de la tapisserie" :


Un de mes plus constants souvenirs - certainement pas le plus ancien, mais le plus obstiné - est celui de mes difficultés que j'ai eues à bien écrire. Bien écrire au sens où on l'entend dans les écoles primaires, c'est-à-dire faire des pages d'écriture bien lisibles. Je crois, je suis même sûr que j'étais dans ma classe et dans mon école celui qui était le plus illisible. Cela dura longtemps, jusque dans les premières années de l'enseignement secondaire. En sixième, on me faisait faire des pages spéciales d'écriture tellement j'avais des difficultés à tenir comme il faut mon porte-plume et à tracer comme il fallait les signes de l'écriture.
Voilà donc un rapport à l'écriture un peu compliqué, un peu surchargé. Mais il y a un autre souvenir, beaucoup plus récent. C'est le fait qu'au fond, je n'ai jamais pris très au sérieux l'écriture, l'acte d'écrire. L'envie d'écrire ne m'a pris que vers ma trentième année. Certes, j'avais fait des études qu'on appelle littéraires. Mais ces études littéraires - l'habitude de faire des explications de texte, de rédiger des dissertations, de passer des examens - vous pensez bien qu'elles ne m'avaient donné en aucune façon le goût d'écrire. Au contraire.
Pour arriver à découvrir le plaisir possible de l'écriture, il a fallu que je sois à l'étranger. J'étais alors en Suède
et dans l'obligation de parler soit le suédois que je connaissais fort mal, soit l'anglais que je pratique avec assez de peine. Ma mauvaise connaissance de ces langues m'a empêché pendant des semaines, des mois et même des années de dire réellement ce que je voulais. Je voyais les paroles que je voulais dire se travestir, se simplifier, devenir comme des petites marionnettes dérisoires devant moi au moment où je les prononçais.
Dans cette impossibilité où je me suis trouvé d'utiliser mon propre langage, je me suis aperçu, d'abord que celui-ci avait une épaisseur, une consistance, qu'il n'était pas simplement comme l'air qu'on respire, une transparence absolument insensible, ensuite qu'il avait ses lois propres, qu'il avait ses corridors, ses chemins de facilité, ses lignes, ses pentes, ses côtes, ses aspérités, bref qu'il avait une physionomie et qu'il formait un paysage où l'on pouvait se promener et découvrir au détour des mots, autour des phrases, brusquement, des points de vue qui n'apparaissaient pas auparavant. Dans cette Suède où je devais parler un langage qui m'était étranger, j'ai compris que mon langage, avec sa physionomie soudain particulière, je pouvais l'habiter comme étant le lieu le plus secret mais le plus sûr de ma résidence dans ce lieu sans lieu que constitue le pays étranger dans lequel on se trouve. Finalement la seule patrie réelle, le seul sol sur lequel on puisse marcher, la seule maison où l'on puisse s'arrêter et s'abriter, c'est bien le langage, celui qu'on a appris depuis l'enfance. Il s'est agi pour moi, alors, de réanimer ce langage, de me bâtir une sorte de petite maison de langage dont je serais le maître et dont je connaîtrais les recoins. Je crois que c'est cela qui m'a donné envie d'écrire. La possibilité de parler m'étant refusée, j'ai découvert le plaisir d'écrire. Entre plaisir d'écrire et possibilité de parler, il existe un certain rapport d'incompatibilité. Là où il n'est plus possible de parler, on découvre le charme secret, difficile, un peu dangereux d'écrire.


Michel Foucault

10:26 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

"Voix d'ensemble" de Pierre Dhainaut, éditions Les Deux-Siciles, 9/4/2002

Le 9 avril 2002 a paru, à l'enseigne des Deux-Siciles un recueil intitulé "Voix d'ensemble" signé par Pierre Dhainaut, c'était le dixième titre de la collection, un auteur de qualité que j'ai en grande estime et dont l'un des derniers livres paru aux éditions de L'Herbe qui tremble, "Après", continue à sa manière, et ce malgré les atteintes de l'âge, de tracer le sillon d'une vie tout entière dévouée à la poésie. Difficile de trouver poète plus authentique, quand le moindre de ses vers touche au plus sensible, au plus vrai des émotions qui nous animent en continu. Être, jusqu'au souffle dernier, porteur de lumière.
Voici la première page des épreuves corrigées de "Voix d'ensemble", le poète y choisit la couleur de la couverture (vert amande) et le dessin à reporter au recto de la première (celui d'un diamant) entre le titre et la mention des éditions, sises au 8 de l'avenue Lazare Hoche ("Lazare" est un ajout personnel) à Ozoir-la-Ferrière (ville ainsi appelée car on y voyait autrefois un oratoire, en lisière de la forêt avoisinante). Par parenthèse, il y fait encore bon vivre, la campagne briarde est à deux pas, ses champs de blé brûlés par le soleil, ses betteraves sucrières amoncelées en bordure des routes vicinales. En dépit de...

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La page 21 :


                               Oui en commençant,
                               on lance un caillou,
                               on délivre les ondes.


                               Clairière ou plage,
                               N'attends pas de les voir
                               pour accueillir.


                               Écouter mieux : sous la glace
                               encore
                               la source fidèle.

 

Pierre Dhainaut