29/09/2020
"La poésie est toujours en un sens un contraire de la poésie", par Georges Bataille, in "La littérature et le mal", éditions Gallimard, 1957
Je crois que la misère de la poésie est représentée fidèlement dans l'image de Baudelaire que Sartre donne. Inhérente à la poésie, il existe une obligation de faire une chose figée d'une insatisfaction. La poésie, en un premier mouvement, détruit les objets qu'elle appréhende, elle les rend, par une destruction, à l'insaisissable fluidité de l'existence du poète, et c'est à ce prix qu'elle espère retrouver l'identité du monde et de l'homme. Mais en même temps qu'elle opère un dessaisissement, elle tente de saisir ce dessaisissement. Tout ce qu'elle put fut de substituer le dessaisissement aux choses saisies de la vie réduite : elle ne put faire que le dessaisissement ne prît la place des choses.
Nous éprouvons sur ce plan une difficulté semblable à celle de l'enfant, libre à la condition de nier l'adulte, ne pouvant le faire sans devenir adulte à son tour et sans perdre par là sa liberté. Mais Baudelaire, qui jamais n'assuma les prérogatives des maîtres, et dont la liberté garantit l'inassouvissement jusqu'à la fin, n'en dut pas moins rivaliser avec ces êtres qu'il avait refusé de remplacer. Il est vrai qu'il se chercha, qu'il ne se perdit, qu'il ne s'oublia jamais, et qu'il se regarda regarder ; la récupération de l'être fut bien, comme Sartre l'indique, l'objet de son génie, de sa tension et de son impuissance poétique. Il y a sans nul doute à l'origine de la destinée du poète une certitude d'unicité, d'élection, sans laquelle l'entreprise de réduire le monde à soi-même, ou de se perdre dans le monde, n'aurait pas le sens qu'elle a. Sartre en fait la tare de Baudelaire, résultat de l'isolement où le laissa le second mariage de sa mère. C'est en effet le "sentiment de solitude, dès mon enfance", "de destinée éternellement solitaire", dont le poète lui-même a parlé. Mais Baudelaire a sans doute donné la même révélation de soi dans l'opposition aux autres, disant : "Tout enfant, j'ai senti dans mon cœur deux sentiments contradictoires, l'horreur de la vie et l'extase de la vie."
Georges Bataille
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"Un peu de ciel ou de matin" d'Isabelle Lévesque, éd. Les Deux-Siciles, mai 2013, 16 €
Après acceptation du manuscrit, pour l'élaboration du livre à venir d'Isabelle Lévesque : Un peu de ciel ou de matin, contact est pris avec le plasticien et poète Jean-Gilles Badaire, dans un premier temps (lui-même qui a illustré le numéro 52/53 de Diérèse consacré à Thierry Metz). Un déplacement a été effectué auprès d'un éditeur de province, qui a réalisé un excellent travail, à l'ancienne, une équipe motivée, soucieuse de satisfaire le client.
J'étais sur place au moment du tirage, quelques planches ont été retirées, pour rester fidèle aux couleurs initiales. Imprimé en offset sur Olin Regular Cream 150 g., à 400 exemplaires (16 €).
L'auteure a depuis obtenu le Prix Ivan Goll 2018 pour Voltige ! (éd. L'herbe qui tremble).
Depuis ce jour la nuit ploie nos rêves
le sursaut trouve sa flamme.
Point n'est matin, point n'est besoin
de l'ombre.
Elle a gagné
un autre territoire.
Isabelle Lévesque
06:44 Publié dans Les Deux-Siciles | Lien permanent | Commentaires (0)
28/09/2020
"Mille milliards de collages" de Bruno Sourdin, éditions Les Deux-Siciles, 13 collages couleur inédits de Claude Pélieu et Mary Beach, Paris, juin 2002.
L'un des fleurons de la collection Riviera (des éditions Les Deux-Siciles), tiré à 40 exemplaires, en juin 2002. Claude Pélieu devait nous quitter 6 mois après la parution de ce livre où Mary Beach et l'auteur de "Trains de nuit" se confient à Bruno Sourdin, dans une étonnante proximité. Sans masque et sans façon, ils lui font part de leur fureur de vivre et de créer.
Suit une lettre d'Alain Jouffroy, heureux de cette lecture, mais pas seulement : désireux d'en savoir un peu plus pour participer à la revue Diérèse. C'est à cette occasion qu'il m'apprend qu'il réalise lui aussi des collages, assemblages, "posages". Au passage, remarquons qu'il a fort bien compris le sens du titre donné en mars 1998 à la revue. DM
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Le 9 août 2002
Cher Daniel Martinez,
Oui, merci pour ce deuxième ex. de votre beau livre sur les collages de Claude Pélieu et de Mary Beach, intéressant à voir autant qu'à lire, ce qui est rare.
Je vous remercie de votre proposition de collaborer à Diérèse, beau titre ambigu (séparation-union simultanées). Mais j'aimerais en recevoir un exemplaire, pour voir de quelle manière je pourrais m'y insérer, pour y opérer ma propre "diérèse". Extrême éloignement et extrême proximité doivent en effet se conjuguer plus fortement que jamais.
Merci à l'avance ! Et bien cordialement à vous,
Alain Jouffroy
P.S. Je fais aussi des collages, mais également des assemblages, et ce que j'appelle des "posages", dont quelques-uns sont reproduits dans mon livre, assez récent : Ode à André Breton, publié aux éditions d'Aldébaran. Directeur Laurent Campagnolle, 8 rue Bernard Gaubert, 22700 Gaubert (tél : 02- 32 45 05 59). [Maison créée en 2001, actuellement sise à Bordeaux, ndlr]
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