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04/08/2018

En tout sens IV

La flamme de la lampe
à travers la toile
et le clair transfiguré d'abîme
où diriger l’œil le faire passer
dans la douleur de la couleur
une odeur de corps et d'herbe passe
ne dites rien laissez tourner autour
la mort invisible le silence plus vide
la douce encombre des pierres à terre
où ne poser le pied qu'à peine
iris blancs iris mauves
et cris d'enfants dans la cour
bouquets d'abeilles perdues dans les végétations
la rame de bambou toute seule se balance
ne dites rien de grâce laissez venir
le désir avant la césure et le saisissement
la fraction d'un temps pour l'inscrire
qui cristalliserait dans l’œil
des particules de pensée
pour n'en garder que la quintessence immobile
les caractères mages d'un livre
resté grand ouvert le front contre la table
sommes-nous par nous-mêmes
mendiants d'espérances
et de vocables en apnée
quand tout au-dedans brûle
de notre infinitude
le fleuve peut-il changer de sens
quand ses fleurs de sable
nous brouillent le visage
non ne dites rien d'autre
que la cendre claire
dans l'entre-deux du jour


Daniel Martinez (4/8/18)

09:05 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)

03/08/2018

La fabrique du poème : En tout sens IV

Ce matin du 3 août, après un petit déjeuner café noir aux madeleines, ce sont ces vers-ci qui me sont venus, tout de go : départ (arbitraire) d'un poème. Ce que l'on ne voit jamais, et vient à l'esprit sans crier gare, j'ai choisi de vous le montrer aujourd'hui. Pas d'autre travail que celui de saisir, à tous les sens du terme, ce qui est à vif et ne demande qu'à paraître. Le poème, vous vous en doutiez, est ma vie, pas un passe-temps, il s'agit avant tout d'essayer de me retrouver, derrière mon image sociale.
Mais j'ai été interrompu dans ma tâche et je reprendrai... après, selon, lorsque j'en éprouverai le besoin, plutôt la nécessité. Pas de support papier, une saisie directement à l'ordinateur. Cette interruption, involontaire, n'est en vérité que formelle. C'est, pour donner dans la métaphore, comme un fruit qui mûrit, ou encore un vin qui, je l'espère du moins, va en se bonifiant. Car tout se joue de et dans l'intérieur... A bientôt pour la suite. Et que ces vives chaleurs annoncées ne vous accablent pas ! Amitiés partagées, Daniel Martinez

La flamme de la lampe
à travers la toile
et le clair transfiguré d'abîme
où diriger l’œil le faire passer
dans la douleur de la couleur...

17:04 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)

Du plasticien au poète : Max Ernst (1891-1976) & Paul Eluard (1895-1952)

Paul Eluard fut associé de près aux travaux de collages surréalistes de Max Ernst. Le poète écrivit plusieurs textes, publiés en 1948 sous le titre "A l'intérieur de la vue", inspirés de la série de collages que le peintre avait réalisés pour Valentine Hugo en 1932 (cette série comprend 8 "poèmes visibles" réunissant un ensemble de 20 compositions). Le "Second poème visible" a inspiré à Eluard le texte suivant :

"I

Six cent soixante-dix soleils, quand j'éteignis la lampe, descendirent dans le gouffre de mes yeux.

Comme au creux des Alpes, le rayon foudroyant du jour le plus court de l'année. La lumière contrariait mes habitudes, froissait la pudeur acquise dans les circonstances honteuses de la vie commune. Le rideau de cristal noir était crevé. Je me trouvais sous la loupe épouvantable de six cent soixante-six soleils et je me supposais couverts de boues, de croutes, de cendres, de poils emmêlés, de matières inconnues plus rebutantes que celles que je n'avais jamais osé toucher.

Le lendemain, les yeux ouverts, je me vis successivement revêtu de mousses, de flocons, de coraux, de glaciers et d'un petit feu tranquille et mordoré.

En somme aussi grand que nature.

II

Haute lignée des étoiles. De ses rames acharnées l’œil bat en vain le temps. Caprice d'un observatoire, premier caprice d'une vierge faible pour un gibier indifférent.

Elle vise au hasard et s'agite sans fin. Son regard est tenu en laisse.

Elle surveille de si loin toutes les routes. Rien ne passe. Et chaque flèche qu'elle envoie la déçoit.

III

Une femme, laissée sans lumière, ayant perdu celles de sa propre substance, de son premier état humain. Fantôme de l'iniquité, qui ravage les longues terres fertiles que j'explore. Bête vouée tout entière à l'impuissance des monstres vidés, elle se lève de mes pas, elle qui aurait pu tenir à mes côtés la place du plaisir englouti, du bonheur inconnu. Elle que rien ne préserva."

Paul Eluard