20/04/2021
"Autres fragments de langue", de Marc Le Bot, dessins de Colette Deblé, éditions Brandes, 23 septembre 1987, 530 exemplaires
On n'écrit pas les cris. La voix, sans les mots, est cette énigme : on n'écrit pas la plainte des cris. La voix se plaint, non les mots de la plainte. Les cris de la plainte, pourtant, ne sont pas la voix comme sons et rythmes. La plainte est dans le sens des mots qui cessent d'être des mots quand le sens, en eux, cesse de suivre son cours : quand le sens est, en eux, comme les eaux tourbillonnaires, comme les brisants, les touffes d'écume, les vagues de pluie que le vent plaque aux vitres ; quand le sens est le sang du corps formant des caillots noirs dans les veines.
Écrire affronte un monstre qui est sa propre altérité et l'altérité de tout autre. Ça fait plaie. Écrire serait panser les plaies ouvertes par l'écriture.
Être la voix qui, dans les pires moments de silence, n'a jamais cessé de parler.
On ne passe pas de la parole au silence ni du silence aux mots. Mots et silence occupent les mêmes lieux dans le corps et la pensée. Chacun occupe les lieux en tous points, pourtant ils ne sont pas le même. Le poème donne ensemble, manifestement, les mots qui parlent et leur silence, la vérité et la présence.
Marc Le Bot
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19/04/2021
"Dans une phrase s'écriant", de Patrick Casson, avec 4 bois originaux de Luc Ernault, éditions Brandes, 1/5/1989, 32 pages, 60 exemplaires
1
Plus haut que le cri, voyelle
déchirée aux branches du vent,
est la source du cri, enténébrée
sous le roncier des ans, et tarie
- bleuâtre, la mémoire s'écaille :
à mes lèvres, copeaux poudroyants,
ô noires images rognées du froid,
je veille dans l'insomnie du cri.
2
N'éveille pas la maison orpheline
son retentissement dans l'obscur
du soir, ni l'entaille assombrie
des chemins que les orties rongent,
au secret du cœur. Et des branches
se courbent sur l'oubli de l'oubli
dans plus de nuit sur tant de nuit
chue, où le pas heurte sur l'absence.
Patrick Casson
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13/04/2021
"Œillades" de Daniel Boulanger, éditions Gallimard, 18 janv. 1979, 160 pages
Retouche à l'enfance
Bateau de papier
avec ton nom mal écrit
descends la rue des Grandes Indes
soleil et givre dans tes flancs
sans souci de l'homme aux grands pieds
qui s'en vient balayant
Deuxième retouche à l'enfance
la mémoire montre du doigt
au bout du chemin qui s'efface
l'ombre en cape de vent
qui vient voler la terre
Daniel Boulanger
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Infinitives
Gaëlle et Diane se sont endormies
l'une tient entre ses mains encore
une encyclopédie des papillons
l'autre rêve décoiffée
de rouges abeilles
sous un soleil châtain
à la couleur de ses cheveux
Daniel Martinez
"Croire que j'ai rêvé" dessin aux feutres de Gaëlle
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