21/05/2021
"Le Testament du printemps", de Jean-Claude Masson, éditions Gallimard, 9/4/1991, 96 pages, 88 F
La ville comme nous ne tenait pas en place,
la ville et ses troubles promesses : rues, parcs,
impasses, avenues ; l'inconnu nous prenait sous son aile,
les salles obscures, leur débauche de lumières,
les globes aveuglants des grandes terrasses,
le ruissellement doré des boulevards
onctueux sous la pluie, quand brasillent les bars.
La ville, fille de la nuit, nous sauvait
de la perdition par ennui. Un lacis
de venelles à la croisée des fleuves nous dressait
son rempart. Notre reflet grandissait dans les vitrines,
mais nos yeux brillaient d'une autre convoitise,
pure, intacte, absolue. Immobiles dans l'heure creuse,
les chalands de midi vendangeaient notre rêve
qui s'accoudait au bastingage de la Meuse,
l'enjôleuse, oui, mais la sourde, la muette,
comme indifférente à tant de terres traversées,
fertilisées sans trop savoir pourquoi,
pour oublier sa longue fatigue, tuer
le temps comme sur sa rive les pêcheurs captivés :
la Meuse ensorceleuse parce qu'elle s'en va.
Jean-Claude Masson
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Deux poèmes, en regard d'une œuvre de Marc Bergère
Dessin sur Canson noir de Marc Bergère
1.
Souffle de l'ombre parures de la nuit
au fond du miroir le corps abstrait de l'arbre
file les maux du monde en volutes convergentes
langues-de-cerf de l'autre côté du temps
avant que ne s'animent dans des allures de miracle
le feuillage dormant l'échine des vignes bleues
comme si dans le dit bref la cendre du petit matin
pouvait voler à la pesanteur les lignes du réel
2.
Avec le chant de l'aube
dans l'ombre du prunus noir
s'égrène
une voix familière
elle traverse nuitamment
le récit des astres
et cherche
une issue
dans ce flux de syllabes
incantées
distraites
de l'émeraude et du rubis
tandis que les doigts fouillent
l'écho des figures
enlevées à l'histoire
et s'en remettent
à la froide puissance
de ce rien absolu
Qui en détient la clé
depuis l'autre contrée
celle de la poésie même
ou de ses abeilles butineuses
emportées
jusqu'au soleil juste
qui file leur ouvrage
Daniel Martinez
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20/05/2021
"Recommencements", de Daniel Martinez
Gravures éparses du levant
maillons ourlés d'oubli
d'amoureux soucis
sur la tablette de verre stagne
l'ombre d'un crabe de porphyre
et sur ma bouche un doigt posé
signifie silence
manière de décence
face au monde émis
une flottille de goélands
agrandit le cercle
d'une arabesque à l'autre
les sureaux dégorgent
un parfum printanier
Par le matin fumant
la ville blanche et or
dans la lumière immobile se tait
un sentiment diffus de quiétude en émane
avec l'éparpillement des traits
quelques copeaux sur le parquet
les fumées éparses
de bâtiments lointains
ici la plume cesse
Daniel Martinez
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