04/05/2021
"Jugen : Cahier japonais", de Haroldo de Campos, traduit par Inês Oseki-Dépré, éd. La main courante, mai 2000, 32 pages, 10,67 €
shitennoji *
le bouddha géant
figure d'or
coiffe d'azur
tient une
(invisible)
fleur de lotus
(d'autres têtes
petits bouddhas
- des ocelles dans la queue du paon -
constellent sa splendeur)
derrière l'autel
une apsara danse :
ici
le bouddha infant
promenant son aura
rayonne
là-bas
le bouddha gisant
entouré de mains
qui vénèrent
paranirvana
le moine orange
ronde tête rasée
trace des idéogrammes
votifs
un son de soutras respire l'encens
gongs
Haroldo de Campos
*temple des quatre rois (gardiens) célestes, à Ôsaka, le plus ancien sanctuaire bouddhiste du Japon, sa fondation est attribuée au prince Shotoku Taishi (592), il a été restauré en 1960.
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03/05/2021
"Le Scorpion", de Daniel Martinez
à Jean-Paul Bota
S'il avance au travers du lacis
de rameaux et de feuilles
qui jonchent le sol dessous l'eucalyptus
c'est porté par la bouche du vent
où l'arabesque tisse
la première ligne la dernière
sinuant tel un fil d'Ariane
entre les effluves
dans la croisée des âges.
Où la loque des chemins s'efface
l'ambre de son corps éclot
en résonance avec l'intime
respiration d'un lieu
devenu son histoire toute entière
Scorpion s'avance fier
pinces hautes
elles prolongent de leur flamme
son image reprise
dans la chambre aux miroirs
ornée de roches
griffée par les stridulations
des grillons sauvages.
L'épiderme de la terre
que les saisons survolent
ici et là laisse croître
librement figuiers et pins
sous l'invisible
brise des atomes
soumise au plus tendre équilibre
entre vivre et mourir.
Lui insoucieux danse à sa mesure
les pattes déliées
et se recrée d'autres cieux
le jour est de velours
il importe à présent de se nourrir
de la trace ailée
d'une mouche ingérée
au faîte de ses envies.
Là encore il frôle
quelques éclats de poterie
de ses peignes évente le sens
du nombre indicible
des grains de sable
qui peuplent le monde
et drainent l'amer
depuis la nuit des temps
l'horizon reste sans rives.
Voyageur du silence
il va s'en revient
pour mieux se mêler
au bleu glacé du plein été.
Daniel Martinez
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"Domanial", de Cyrille Guilbert, éditions La Crypte, décembre 2018, 110 p., 17 €
Ma main saisit une pierre polie par l'eau de mer. Pierre contre paume. Polissure de la pierre contre une page tannée par le temps.
La falaise est une harpe de plis durs. A son pied, l'eau de la mer fait rouler les pierres dans un long raclement de gorge. Roulant par à-coups, les galets gémissent dans leur sommeil.
Pierre contre peau je fais l'épreuve de la douleur. J'arpente le domaine à la manière d'un aveugle qui chercherait une issue.
Arêtes des roches dont le fil tendu fait saigner les doigts. Accidents de la pierre, faces bosselées des roches sous les doigts qui les lisent. Je subis et subis encore l'épreuve de la joie.
Alors continuer, verser le sel sur la plaie.
Cyrille Guilbert
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