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17/06/2020

"Né de la déchirure", textes de Michel Diaz avec 32 cyanotypes de Laurent Dubois, éd. Cénomane, 24/4/2015, 96 p., 18 €

Accoudé au balcon du monde, là où rien ne commence et où rien ne finit, sans âge mais sentant toujours le linge frais, le bleu regarde vers le Tout et les si longs lacis du temps qui en s'enroulant se déroule, chargé de silence et de nuit. Charriant une ombre éblouie de cristaux dont s'enveloppe le repos des astres.
Né des sources dont il s'inspire, il exhale de lui un long chant où le ciel s'ouvre comme un fruit sur le sommeil secret mais fertile des profondeurs, où sa voix se confond avec la flûte basse d'un oiseau nocturne, l'aboiement d'un chien à la lune, l'écho d'un pleur d'enfant, le murmure d'un Verbe qui s'est tu à jamais et ne subsiste plus que dans les lents remous de l'air.
Assis dans ces lointains, en bordure d'abîme, le bleu veille au foyer où le temps s'alimente et entretient sa braise sur laquelle, patiemment, il souffle.


Michel Diaz

09:04 Publié dans Arts, Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

15/06/2020

"Notes d'hiver", de Didier Jourdren, éditions Unicité, septembre 2017, 76 pages, 13 €

Que je parle d'avancer, de me mettre en chemin en entendant un chant d'oiseau, n'est pas qu'une image. Écouter n'est pas qu'une question d'oreille, mais touche la respiration, réveille une scansion intérieure, invite à se mettre en marche, dans un rythme à découvrir, dans un élan à laisser advenir, réponse aérienne qui met en route. D'où cette impression si vive de légèreté souvent, ce regain d'énergie, cette joie apparemment sans raison. J'entends la voix flûtée, ses trilles légers, ses accents de mélancolie ou d'interrogation, ses interruptions, ses silences : tout l'être est saisi, emporté déjà. Et si j'essaie de parler, c'est en tentant inconsciemment d'obéir à une cadence, qui me met sur la voie de partir.

*

J'entends le signe pur, indéchiffrable. Je tends l'oreille, toujours surpris. Il m'est demandé de mettre de côté tout le reste, ma vie même, pour écouter, à la juste place, de me tourner entièrement vers ce qui est là. La voix qui bientôt va se taire, la puissance brève de l'oiseau invisible, l'écoute : de tout cela, quelque chose demeurera. La rencontre fugitive ne s'efface pas tout à fait. L'instant s'étire, on se trouve dans un présent plus vaste. Le chant continue, sans fin, de l'autre côté de la cloison d'ombre et de feuillages, tout près. Ici - et le cœur en est saisi, le souffle suspendu -, commence l'éternité.

Didier Jourdren

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09:19 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

14/06/2020

"Fragments", d'Héraclite, traduits par Roger Judrin, éditions Calligrammes, 2 mai 1987, 32 p.

Faute d'espérer, vous ne trouverez pas l'inespéré que vous croirez introuvable et hors de portée.


Aucun de ceux dont j'ai retenu les propos n'était parvenu à comprendre que la sagesse est d'un ordre à part.


La pensée est le plus haut degré de la vertu. La sagesse est de parler vrai, de régler ses actions sur la nature, d'obéir à sa propre voix.


Tout s'écoule.


Le contraire est utile. Des opposés sort le plus beau concert. De la discorde tout est né.


Un mot pareil désigne en grec et ce qui vit et ce qui vise. Mais la vie est un trait qui tue.


L'invisible harmonie vaut mieux que la visible.


Dieu tour à tour est le jour et la nuit, l'hiver et l'été, l'abondance et la disette, comme un feu mêlé d'aromates en reçoit la diversité des noms que l'on donne aux parfums.


La vie et la mort, la veille et le sommeil, la jeunesse et la vieillesse sont d'un seul et même homme, à tour de rôle.


Le naturel propre à chaque homme est son génie.


Excellent esprit, lumière sèche.

Héraclite