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01/07/2020

"Carnet d'un buveur de ciel", de Dominique Sampiero, éditions Lettres Vives, octobre 2007, 96 p., 13 €

Quand les mots se rétractent jusqu'à l'os, se taire fait craquer les gencives, les phalanges, et c'est une terre noire, plus sombre que la nuit, un trou béant dans la présence où tombent les regards les uns après les autres comme des feuilles mortes.


Alors les regards m'évitent, les silhouettes croisées ont peur de tomber dans cette absence, ce ciel vide qui plane au fond de moi, ce ciel sans bord, infini, cette pure présence où je m'avale, dévale, je passe à travers, mes doigts se crispent, puis je respire, je relâche, et je plane, à force, dans cette chute sans fond avec un visage de feuille morte.


Je n'existe que par ressemblance. Je suis présent par petits bouts, par morceaux. De grandes bourrasques roulent leurs rires ou leurs larmes et me dictent des pensées d'oiseaux, d'enfants enivrés par le tabac. Au réveil, me reste l'impression d'être passé à côté d'un ami sans le reconnaître. Quelque chose comme un rêve qu'on a oublié d'écrire. Moi, tout simplement.

 

Dominique Sampiero

07:14 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

29/06/2020

"Kamakura et autres lieux", de Jacques Bussy, avec une gravure sur bois de l'auteur, éd. Fata Morgana, 13/2/1979, 333 exemplaires

L'encre délie sa bête favorable
Entre mes mains la neige signe un nom,
Une obole - un mort peut-être s'y cache
S'y tait aux yeux multipliés - Mon corps
Existerait-il dans la foule blanche
Des ancêtres dans l'effort des bourgeons
Les fibres de la corde le dessein
De l'hiver ? La neige, signe et désir
Dans une cire scellée le registre
Et l'odeur pèlerine du lotus

 

Voir sans faire un pas les chemins nous guident
A côté : au plus juste des désirs
De ne pas atteindre ce qui nous voit
De ne pas toucher ce qui nous conduit
Que le corps se présente loin de l'ombre
Langues de neige attouchements de givre
Lui pardonnent impatience et bruit
La liste des noms des dates des lieux
La transparence voit et le silence
Écoute notre rêve déserté

 

Jacques Bussy


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11:21 Publié dans Auteurs | Lien permanent | Commentaires (0)

28/06/2020

"Alentejo", de Eugénio de Andrade, traduit par Christian Auscher, éditions Michel Chandeigne, août 1989, 265 exemplaires, 28 pages

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A São Gregório, village peu éloigné d'Estremoz, mais d'accès difficile aux automobiles de qualité, vit un homme qui abandonna son troupeau il y a quelques années, pour les gouges du sculpteur. Il se nomme Manuel Capelins et son village n'en est pas un : sept feux en tout et une petite chapelle, plus grande cependant que sa maison où vit notre artiste. Tout autour, l'Alentejo classique de la fin juin : champs secs et dorés, étendues de chênes-lièges plus gris que vert, deux ou trois oliviers penchés sur les maisons et les murets, quelque rosier d'Alexandrie entouré de pieds de coriandre. A l'horizon dénudé, où même les hommes quand ils surgissent semblent sidérés, le profil bleuté de la proche Serra d'Ossa. Contre le mur de la maison, où on distingue malgré la blancheur la trace luisante et capricieuse d'un escargot, une petite chaise paillée. C'est là que s’assoit Manuel Capelins pour donner corps à son imagination peuplée d'oiseaux et d'étoiles, de soleils et de lunes, de feuilles et de fleurs, de chèvres, bœufs, serpents, et d'hommes - quand tout ne s'achève pas en pure arabesque, car l'espace vide autour d'une symbolique si ancienne n'en demande pas davantage.

 

Eugénio de Andrade